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Critique de Presence


Il s'agit du troisième épisode en bande dessinée dans la série des "Road to Perdition", après "Les sentiers de la perdition" (1998) et "Sur la route" (2004). le scénario est de Max Allan Collins (comme pour les autres tomes) et les illustrations de Terry Beatty, en noir & blanc.

En juin 1975, dans une banlieue résidentielle dans l'Illinois, un tueur à gages se rend dans la demeure de Sam Giancana (un mafieux notoire). Après une brève discussion, il l'abat froidement d'une balle dans la nuque. Un peu plus d'un plus tard, Michael Satariano junior est prisonnier de guerre au Laos. Il vit l'enfer de conditions de détention éprouvantes avec un autre groupe de soldats américains. Il s'échappe lors d'une opération clandestine et se retrouve à l'hôpital aux États-Unis. Conrad Visage, un lieutenant au service du Ministère de la Justice (travaillant pour le programme de protection des témoins Witsec), prend contact avec lui, lui explique sa filiation et le convainc de travailler comme exécuteur pour le compte de Witsec, dans le cadre d'opérations clandestines.

Le premier volet des "Sentiers de la Perdition" avait bénéficié d'une adaptation en film : "Les Sentiers de la perdition" de Sam Mendez, avec Tom Hanks en 2002. Cela a tout naturellement conduit Max Allan Collins à donner plusieurs suites à ce récit. "On the Road" rassemble 3 récits (illustrés par José Luis Garcia-Lopez, Steve Lieber et Josef Rubinstein) qui racontent des anecdotes lors de la fuite de Michael O'Sullivan et son fils pendant "Road to Perdition". Collins a également écrit 2 livres mettant en scène le fils : Road to Purgatory (2004) et Road to Paradise (2005), tous les 2 en anglais.

Avec "Retour à Perdition", Max Allan Collins met donc en scène la troisième génération des O'Sullivan : Michael Satariano, le petit fils de Michael O'Sullivan. Il continue à entremêler fiction et événements historiques, avec les agissements de la mafia sur le sol américain. Comme dans le premier tome, l'histoire est racontée d'un seul point de vue, celui de Michael Satariano. Collins en fait un soldat qui a survécu sans dommage apparent (ni physique, ni mental) au camp de prisonniers laotien, qui est motivé par la vengeance. Il conserve cette approche narrative un peu distanciée du personnage, essentiellement factuelle, sans profil psychologique fouillé, sans développement des émotions du personnage.

Cette façon de faire rend l'implication du lecteur assez difficile. Il regarde le personnage agir sans aucune empathie pour lui. Satariano abat les victimes qui lui sont assignées, sans réel danger, sans se poser de question, sans que le lecteur ne devine les conséquences de ces meurtres sur le plan politique ou dans un plan d'action de Witsec. Satariano développe une relation affective avec la fille de celui qu'il doit abattre sans que l'aspect émotionnel ne soit développé, sans que la narration ne s'intéresse à la psyché de l'un ou l'autre, tout reste en surface. Il faut attendre la page 144 (sur 182) pour que Collins reconnecte le récit aux autres de la série (peut-être que ces connexions sont plus évidentes pour quelqu'un ayant lu les 2 livres "Road to Purgatory" et "Road to Paradise" ?).

Du coup, chaque scène se lit de façon distanciée, comme s'il s'agissait de faits piochés dans une chronique officielle, à l'écriture impersonnelle. L'histoire explique que Satariano effectue un entraînement à Quantico (le centre de formation des agents du FBI). Quelques dessins le montrent en train de courir, en train de grimper à un filet, de s'entraîner au tir au pistolet, de souffler après l'effort physique. Et c'est tout. Il s'agit juste de faits, aucune indication de l'impact psychologique sur le personnage, sur l'évolution de sa motivation, sur une éventuelle comparaison par rapports aux autres étudiants. En fait la seule remarque est très étonnante de naïveté : Satariano estime qu'il s'en sort bien grâce aux pompes qu'il a effectuées lorsqu'il était prisonnier de guerre. Ça rappelle juste au lecteur ce passage peu probable.

Cette bande dessinée manque aussi de dynamisme du fait de dessins très basiques. Terry Beatty avait déjà collaboré à plusieurs reprises avec Max Allan Collins, pour une série intitulée Wild Dog parue chez DC Comics (une sorte de Punisher rural assez réaliste), et pour la série "Ms. Tree" (une détective privée de type Mike Hammer). D'un coté le style dépouillé de Beatty est facilement lisible et chaque dessin montre clairement les éléments nécessaires. Il est impossible de se tromper dans l'apparence de 2 personnages.

Beatty a un goût certain pour dessiner les façades d'immeubles de manière réaliste, en respectant les différentes architectures. Il respecte le style des tenues vestimentaires de l'époque, ainsi que les modèles de voiture. de page en page, le lecteur se rend compte que Beatty dispose d'une capacité défiant l'entendement à tout rendre banal et insipide, malgré l'effort réel pour coller à la réalité. Cette histoire est publiée dans un format demi-comics, ce qui limite le nombre de cases entre 2 à 4 pages. Il apparaît assez rapidement que Beatty n'a aucune idée de comment organiser ses cases sur une page pour éveiller l'intérêt. Sa direction d'acteurs est stéréotypée au possible. le résultat est une succession d'images déjà vues, tellement banales qu'elles en perdent tout caractère dramatique. le fond de l'absence de toute idée de mise en page étant atteint page 161 : pour exposer un dialogue entre 2 personnages, Beatty se contente d'une seule case où flottent 2 fois la tête d'un des 2 personnages, et 1 fois la tête de l'autre qui lui donne la réplique. Au final, une demi page de texte avec uniquement les dialogues aurait été plus intéressante visuellement.

Cette suite aux "Sentiers de la Perdition" est construite sur la même structure que l'original : raconter l'histoire d'un individu ayant maille à partir avec le crime organisé, en la connectant avec quelques faits historiques (par exemple l'assassinat de John Fitzgerald Kennedy, ou la création du programme de protection des témoins). Malheureusement la platitude de la narration, l'absence de point de vue et des dessins d'une banalité effarante empêchent toute implication du lecteur.
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