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Critique de LightandSmell


Sauvant de l'oubli la mémoire des Dames de Ferrare qu'elle a découvertes par hasard, Anne Comtour nous propose ici de nous en narrer leur singulière, passionnante et passionnée histoire. Car de passion, il en est principalement question dans ce court roman historique, et plus particulièrement de cette passion pour la musique qui enfièvre, qui captive, qui anoblit les âmes et qui pourfend les coeurs. Une passion qui permet de s'élever au-dessus de la condition de mortel, d'homme et de femme, bien que la vie finisse toujours par rappeler à l'ordre même ses sujets les plus talentueux et passionnés.

Mais avant la fin, faut-il encore raconter les débuts de Laura, Anna et Livia. Ces trois musiciennes, chanteuses et instrumentistes, sont réunies par le Duc Alfonso II de Ferrare afin de fonder un harmonieux ensemble. Un ensemble destiné à jouer pour son seul bon plaisir, ainsi que pour les heureux élus qu'il estimera digne des concerts secrets qu'il organise pour que ses trois protégées déploient tout leur vertigineux talent. Des protégées sous la direction d'une autre musicienne émérite dont j'ai tout autant apprécié de découvrir l'histoire.

Amoureux de la musique dans ce qu'elle a de plus pur, de plus beau et de plus noble, le duc Alphonse est une figure étrange, dont la passion semble quelque peu transcender la raison pure. Mais rien d'étonnant, ce dernier comblant les manques et les failles de sa vie par la musique et son projet de concerts secrets, qui intrigue bien des gens et suscite bien des jalousies. Chose dont il semble se réjouir, comme il se réjouit de la domination de sa cour en matière d'art musical. Il faut dire que toutes les guerres ne se jouent pas toujours sur un champ de bataille…

Le roman étant court et la documentation probablement réduite, Anne Comtour ne fait que survoler l'existence de ses protagonistes qui sont enfermés dans une sorte de vie en huis clos, dédiée entièrement à la musique. Une musique source de passion et de cette vie qu'elle insuffle au rythme de ses partitions et de ses notes. Se parant d'une aura presque charnelle, la musique occupe toute la scène, devenant cette sorte d'être impalpable dont on perçoit pourtant les moindres vibrations et la vibrante présence. Mais la musique est exigeante, prenant et demandant autant qu'elle offre et cajole. Un paradoxe parfaitement restitué par l'autrice qui nous dévoile l'emprise totale et étouffante du duc et de cette vie d'artiste de cour qu'il impose à Laura, Anna et Livia .

Travail acharné, répétitions, dévotion, renoncement et sacrifice… Les efforts de nos musiciennes sont récompensés mais à quel prix ? Alors que leurs voix et leurs gestes assurés permettent à leur auditoire de toucher du doigt des instants de grâce, nos musiciennes sont elles pleinement heureuses ? Difficile de répondre à la question, mais on peut néanmoins répondre qu'elles sont loin d'être libres. En effet, si elles sont payées pour leurs prestations, offrant un modèle aux autres femmes, elles n'en demeurent pas moins sous l'emprise des hommes. D'abord, d'un mécène, figure paternelle aimante mais exigeante, puis de leurs maris qui peuvent profiter allègrement et sans complexe des fruits de leur travail. Rappelons que nous sommes au XVIe siècle.

D'ailleurs, si l'histoire des Dames de Ferrare est intéressante, même si j'aurais tant aimé qu'elle soit plus développée, elle l'est aussi parce qu'elle s'inscrit dans un contexte historique passionnant et effervescent qui laisse une place incroyable à l'art, mais aussi à la violence, à la rancoeur et à la jalousie. Page après page, la grande Histoire s'invite à travers des personnes historiques, des faits réels et des références qui permettent de mieux saisir le contexte géopolitique et culturel entourant l'histoire de ces concerts secrets et de nos musiciennes. Les amoureux et coutumiers de la Renaissance italienne devraient se sentir ici comme chez eux. Pour ma part, j'ai parfois eu du mal à restituer chaque personnage et ai donc apprécié le petit récapitulatif proposé en fin de roman.

Musique, musique et musique ! Un seul mot comme pont entre les personnages, un mot qui devient ici synonyme de passion et d'enchantement, un peu à la manière de la plume d'Anne Comtour qui virevolte ligne après ligne. Une plume qui souligne la virtuosité de musiciennes de talent qui auront su, durant un temps, s'élever grâce à leur art et offrir à leur mécène un peu de cette beauté et pureté musicale qu'il tenait à capturer et à conserver secrète. le secret des Dames de Ferrare ou un vibrant hommage d'une artiste à d'autres !

Je remercie les éditions Créer et Babelio de m'avoir envoyé le secret des dames de Ferrare d'Anne Comtour en échange de mon avis.
Lien : https://lightandsmell.wordpr..
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