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Critique de pompimpon


Tituba est le fruit du viol de la toute jeune Abena par un marin sur le navire négrier qui cinglait vers la Barbade.

Après la mort de sa mère et de celui qui l'a considérée comme sa propre fille, la petite est élevée par Man Yaya qui lui apprend les plantes, et à écouter le vent, et à regarder, la mer, les mornes, les montagnes.
"Elle m'apprit que tout vit, tout a une âme, un souffle. Que tout doit être respecté. Que l'homme n'est pas un maître parcourant à cheval son royaume."

Puis Man Yaya meurt à son tour.
Bientôt, la jeune Tituba rencontre John Indien, l'esclave de maîtresse Susanna Endicott.
Elle veut absolument partager sa vie, renonçant à son statut de femme libre pour lui.

Mais cette décision, que les esprits de Man Yaya et Abena tentent en vain d'infléchir, entraînera Tituba "de l'autre côté de l'eau", dans une existence de misère et de labeur qui culminera dans la détresse à Salem, petit village du Massachusetts et colonie de puritains, avec l'accusation de sorcellerie dont elle est victime.

Avant d'être un personnage de roman, Tituba est un personnage historique.
En 1692, elle fut l'une des toutes premières malheureuses convaincues de sorcellerie dans le village de Salem (devenu depuis Danvers), proche de la ville du même nom où se déroula le procès.

Amérindienne Arawak déportée enfant et vendue comme esclave à la Barbade, elle avait été rachetée par Samuel Parris ensuite et emmenée à Boston puis à Salem avec la famille Parris et un autre esclave amérindien, John, qu'elle avait épousé.
Tituba était parvenue à sauver sa tête en avouant être une sorcière et en dénonçant d'autres personnes.
Elle finit par être libérée, et sa trace se perdit ensuite.

Maryse Condé a voulu donner une voix à cette ombre délaissée par les historiens.

Elle lui crée une autre identité, celle de l'enfant né du viol d'une esclave noire par un marin blanc, et un parcours qui la mène de la plantation Darnell à la Barbade aux geôles des puritains de Salem, par cette rencontre avec un homme qui la séduit et qu'elle suivrait n'importe où, non, qu'elle suivra n'importe où.

Surtout, elle nous fait entendre ses mots, ses motivations, l'amour et l'attention aux autres qui sont derrière chacun de ses gestes.
Parce que Tituba, qui traverse tant d'épreuves, le rejet, la marginalisation, la peur, ne cesse jamais d'être attentive aux autres, à leurs souffrances et aux moyens qu'elle peut mettre en oeuvre pour les soulager.

Alors même qu'elle est abandonnée par celui qu'elle aime plus que tout, elle ne parvient pas à mépriser l'homme qu'il est devenu, instrument de dénonciation et profitant de cette situation.

Même si elle se le reproche parfois, Tituba ne souhaite qu'aller à la rencontre, être avec, partager, soulager autant que possible, accompagner.

Cette volonté que rien ne parvient à plier, pas même le désespoir de la torture et de la prison, sera pourtant bien mal récompensée.
Peu d'êtres, en effet, comprendront, accepteront et aimeront Tituba pour ce qu'elle est, juste pour ce qu'elle est.

Des magnifiques horizons de la Barbade aux confins glacés du Massachusetts, Maryse Condé évoque Tituba avec finesse, sans manichéisme.

Tituba, qui est rejetée parce qu'elle est noire, femme, esclave, guérisseuse, est une belle figure de résistance dans l'ombre de ce XVIIe siècle finissant.
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