Neuf siècles ont été nécessaires pour effacer la présence musulmane en Espagne. Neuf siècles d’affrontements quasi permanent qui – s’ils ne peuvent faire oublier les contacts fructueux entre les deux civilisations, notamment par le biais des écoles de traduction tolédanes – n’en commandent pas moins l’histoire médiévale de la péninsule. Regretter l’échec d’une coexistence qui n’avait pas grand chose à voir avec "l’harmonie pluriculturelle" rêvée par certains de nos contemporains n’a guère de sens aujourd’hui.
La société et l’Etat nés de la victoire de l’Islam font ainsi coexister diverses communautés religieuses conservant chacune leur propre législation, chrétiens et juifs demeurant subordonnés aux musulmans. Ceux-ci n’étant astreints qu’à l’aumône légale inscrite dans les obligations de chaque croyant, les « infidèles » qui vivent en terre d’Islam présentent un intérêt évident sur le plan fiscal et la mission prioritaire des gouverneurs musulmans consiste à lever l’impôt foncier et la capitation dus par les populations vaincues demeurées fidèles à leur foi…. Les libertés laissées aux chrétiens trouvent cependant très vite leurs limites. Dès le milieu du VIIIe siècle, ceux de Cordoue sont expulsés vers les faubourgs et perdent ainsi, contre une indemnité non négligeable, leurs églises du centre-ville où la cathédrale est bientôt érigée en grande mosquée…..L’autonomie dont jouissent les infidèles demeure par ailleurs extrêmement fragile. Le dhimmi (protégé) qui ne s’acquitte pas de sa capitation peut être réduit en esclavage, voire puni de mort…. Les chrétiens doivent également se garder de toute action susceptible d’être perçue comme une provocation par les fidèles de la religion dominante. La simple vue d’une croix ou d’un porc peut ainsi être interprétée comme une injure faite au Prophète.