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Critique de MarcelP


"All roads are long that lead toward one's heart's desire."

La Ligne d'ombre c'est ce moment de bascule où l'on devient un homme fait, c'est la déflagration qui accompagne les adieux à la jeunesse. Pour le marin, narrateur de cette longue nouvelle, c'est le commandement d'un navire qui lui est attribué, au moment où il s'était résolu à dénoncer ses engagements, qui va constituer cette césure. Un premier commandement et une épreuve traumatisante, voilà de quoi forger un caractère !

Adoubé par l'excentrique capitaine Ellis, commandant du port de Singapour, notre héros -portrait de Conrad en jeune homme- doit récupérer un voilier immobilisé à Bangkok. Mais le navire semble maudit : un capitaine tyrannique vient d'y mourir, l'équipage est atteint d'une étrange fièvre tropicale et, à peine en mer, l'absence de vents l'immobilise loin de tout secours. A l'instar d'Ulysse, ce marin enthousiaste aurait-il, malgré lui, froissé la susceptibilité des Dieux ?

Linéaire, épurée, cette short story est d'une pureté adamantine : une seule voix prend en charge la confession et son déroulement en est strictement chronologique. On y croise deux figures troublantes, les deux faces d'une pièce de monnaie, agent du destin lancé en l'air : le côté face avec le second, Burns, émacié, dévoré de fièvre, dont la chevelure fauve fulgure de lueurs pernicieuses, qui se répand en imprécations superstitieuses et le côté pile avec Ransome, le cuisinier cardiaque, étonnant ilôt de sérénité olympienne, ange gardien d'un navire en déroute.

Conrad nous enlise dans la glaise d'un récit dédié tout entier à une suspension temporelle, une sclérose des heures, ce passage vers l'âge d'homme qui nous rapproche inéluctablement de la mort.

Imposant.
Lien : http://lavieerrante.over-blo..
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