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Critique de Presence


Il s'agit de la troisième adaptation des histoires mettant en scène Parker (le gangster très professionnel et dépourvu d'empathie) créé par Donald Westlake (sous le pseudonyme de Richard Stark), par Darwyn Cooke. Les 2 premières adaptations sont (1) le chasseur et (2) L'Organisation.

Le 13 avril Parker sort de son hôtel et il est pris en filature par un homme discret qui ne paye pas de mine. L'affaire est vite réglée, et en lui faisant les poches, Parker n'est pas plus avancé sur les motivations de cet Howard Owen. Il y a quelques jours encore il se prélassait sur une plage de Miami en compagnie d'une belle pépée blonde. C'est là qu'il avait reçu l'appel d'une certain Joe Sheer de la part d'un dénommé Paulus qui lui proposait de participer à un casse. Tout en étant toujours à l'aise financièrement, Parker avait l'envie de se remettre au boulot après 6 mois passés à se prélasser. Il s'était donc rendu à Jersey City pour rencontrer Edgars, en présence de Paulus. le casse : dévaliser une ville de 2.600 habitants. L'organisation : une équipe d'une dizaine de personnes dont Grofield, Wycza, Wiss, Palm, Elkins, Chamber, Cho, etc. Ça demandait réflexion.

Avec les 2 premiers tomes de la série, Darwyn Cooke avait démontré son habilité à transcrire en image le ton pince-sans-rire des aventures de Parker, sa personnalité sèche et brutale, ses braquages ingénieux perpétrés de sang froid. Pour ce troisième tome, Darwyn Cooke a choisi, parmi les 16 romans consacrés à Parker par Donald Westlake, celui qui met en scène un casse de grande envergure. En une nuit, la fine équipe menée par Parker et commanditée par Edgars doit dérober une somme d'argent importante.

Avec la même économie de moyens et la même simplicité apparente que dans les tomes précédents, Darwyn Cooke narre avec fluidité et limpidité les préparatifs, le déroulement du casse, les imprévus et l'issue de l'histoire. Ce sont les 2 choses qui frappent le plus : l'évidence de la narration et son élégance. Cette fois-ci, en plus du noir & blanc, Cooke a choisi une teinte orange pour nourrir l'ambiance graphique. Plus que dans "Le chasseur" et "L'Organisation", le lecteur peut apprécier l'amour que Cooke porte à ces années 1950, et sa connaissance impressionnante des accessoires de l'époque. Au fil des pages le lecteur peut repérer la marque d'un réveil (Travelux), un film avec ses acteurs (It's a mad, mad, mad, mad world), le nom d'une compagnie de téléphone, les motifs sur les rideaux, la chaîne de station services (Ekonomee), et les magnifiques toilettes de ces dames, sans parler de leur mise en pli.

La maîtrise de la narration séquentielle de Darwyn Cooke est épatante. Pour commencer, si le lecteur ne sait pas qu'il s'agit d'une adaptation d'un roman, il serait bien incapable de le deviner. Cooke a réalisé un travail de transposition indécelable, tellement il est sophistiqué. Cette histoire se lit avant tout comme une bande dessinée, sans pavé de texte, sans impression de passer d'une scène de dialogue à une scène d'exposition, et on recommence. Cooke sait insuffler un rythme régulier et naturel au récit. Chaque dialogue bénéficie d'une mise en scène spécifique, d'un décor spécifique. Il n'y a jamais d'impression de répétition, ou de suite de cases avec uniquement des têtes en train de parler. Autant Cooke insère du mouvement dans les scènes de dialogue, autant il évite d'en faire de trop pour les scènes d'action ou de déplacement. Cela confère une cohérence narrative impressionnante à l'ensemble du récit, débouchant sur un récit formant un tout logique. Darwyn Cooke a conservé son style graphique empruntant beaucoup à l'esthétisme des comics des années 1950 (traits simples, cases aérées, visages légèrement exagérées) pour une lisibilité impressionnante, mais également une apparence adulte de par son austérité tranchante.

Le récit en lui-même repose sur un mécanisme d'horlogerie de précision. Donald Westlake (dans cette série, comme dans celle des John Dortmunder) dispose d'une capacité surnaturelle pour inventer des intrigues en équilibre entre la vraisemblance et le rocambolesque, un casse plausible en servant complètement le divertissement. C'est donc un grand plaisir que de suivre l'intraitable Parker tout au long de la préparation et de la réalisation de ce casse de grande envergure. Cooke trouve des solutions graphiques inventives assurant que l'aspect visuel rend parfaitement compte du professionnalisme des participants, et des points faibles des individus. le lecteur croit tout à fait qu'une telle opération soit possible, sans être dupe un seul instant de la réalité de la chose. Il est impossible d'en deviner l'issue, ou même d'anticiper la nature des grains de sable qui viendront gripper cette machine (sauf peut être le dernier).

La difficulté pour Darwyn Cooke est que ce tome sera jugé à l'aune des précédents, et qu'il ne dispose plus de l'effet de découverte de ces adaptations. Hors de toute comparaison, ce tome constitue un divertissement sophistiqué, savoureux et second degré sans être dérivatif qui ne connaît pas ou peu d'égal dans les comics ou même les bandes dessinées, et il mérite 5 étoiles. Comparé aux tomes précédents, il laisse un petit goût de trop peu. D'une part la narration sans fioriture de Cooke fait qu'il s'agit d'une lecture rapide, moins d'une heure. D'autre part, à mon goût, Cooke n'a pas réussi à transmettre le caractère de Parker aussi bien que dans "Le chasseur" ou "L'Organisation". Tout le récit est au service de l'intrigue, sans développement pour les personnalités. de ce point de vue il mérite 4 étoiles et demi.
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