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Critique de YvesParis


Frederick Cooper est un des plus grands spécialistes de l'Afrique contemporaine. Etudiant la main d'oeuvre africaine, dans les colonies anglaises et françaises, il renvoie dos à dos les nostalgiques du colonialisme et les tenants de l'école de la dépendance. Ses premiers travaux sont longtemps restés inconnus en France avant que Payot ne décide tardivement de les traduire. Il a connu la consécration dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne où il a prononcé en juin 2011 le discours de la conférence annuelle Marc-Bloch .

Sa dernière publication rassemble trois conférences prononcées à l'institut W.E.B. du Bois de Harvard en février 2012. Elles s'inscrivent volontairement dans la filiation du grand activiste afro-américain, auteur en 1946 d'un livre intitulé « The World and Africa ». Comme du Bois, Cooper veut montrer que l'histoire du monde ne saurait être écrite en faisant abstraction de l'Afrique et que l'histoire de l'Afrique ne saurait être écrite comme un récit purement autochtone. Il le fait en analysant trois concepts, le capitalisme, l'Empire et la nation, et en montrant pour chacun qu'ils ont été acculturés en Afrique.

Dans sa première conférence, il bat en brèche l'idée que l'histoire économique de l'Afrique aurait été celle d'un retard permanent. Avec Morten Jerven , il rappelle que l'Afrique a connu, à certaines périodes de son histoire des périodes de croissance plus fortes que les moyennes mondiales : l'Afrique occidentale de la traite négrière (qu'on aurait tort de réduire à un phénomène purement exogène), le boom du cacao à l'ère coloniale (qui démontre que le régime foncier occidental n'est pas le seul à conduire au développement), la reprise plus récente des exportations.
Dans sa deuxième conférence, Cooper montre que l'Afrique n'a pas seulement été la victime des impérialismes européens. Avant l'époque coloniale, les Africains construisirent des empires. du Bois en tira même argument pour étayer ses revendications : évoquer en 1946 la grandeur passée, l'immensité et la longévité des empires du Ghana, du Mali, du Songhaï, c'était rappeler que les Africains étaient capables de se gouverner eux-mêmes.
Sa troisième conférence peut se lire comme une critique en règle de l'Etat-nation européen homogénéisant. Cooper revisite l'histoire des indépendances à l'aune des espoirs déçus de créations de fédérations africaines. Il combat une vision rétrospective de l'histoire qui considère l'indépendance d'une cinquantaine d'États comme la seule solution envisageable. Il rappelle les ambitions panafricaines d'un Nkrumah et celles, plus locales, d'un Senghor et montre comment elles furent déçues par l'action conjuguée des anciens colonisateurs (la politique du diviser pour régner) et des nouveaux présidents (Houphouet, Keita …).
A l'âge de l'histoire globale, les travaux de Frederick Cooper entendent donner toute sa place à l'Afrique. Un continent dont l'histoire ne commence pas aux conquêtes européennes et ne résume pas aux traumatismes qu'elles ont causés.
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