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Marc Bloch, rénovateur de l'Histoire et résistant par Jacques Le Goff (1999 / France Culture). Production : Jacques Le Goff. Cinq personnages du passé pour aujourdhui : Marc Bloch, rénovateur de lHistoire et résistant. Diffusion sur France Culture le 24 décembre 1999. Marc Bloch a été l'un des grands historiens de son siècle, un grand universitaire. Il a été aussi un grand résistant, il fut torturé, supplicié et fusillé par les nazis. Il est tombé à 58 ans en criant : « Vive la France ! » En 1999, Jacques Le Goff proposait un portrait du co-fondateur des Annales d'histoire économique et sociale. « Je ne revendique jamais mon origine que dans un cas : en face dun antisémite. Mais peut-être les personnes qui sopposeront à mon témoignage chercheront-elles à le ruiner en me traitant de métèque. Je leur répondrai, sans plus, que mon arrière-grand-père fut soldat en 93 ; que mon père, en 1870, servit dans Strasbourg assiégé ; que mes deux oncles et lui quittèrent volontairement leur Alsace natale, après son annexion au IIe Reich ; que jai été élevé dans le culte de ces traditions patriotiques, dont les Israélites de lexode alsacien furent toujours les plus fervents mainteneurs ; que la France, enfin, dont certains conspireraient volontiers à mexpulser aujourdhui et peut-être (qui sait ?) y réussiront, demeurera, quoi quil arrive, la patrie dont je ne saurais déraciner mon cur. Jy suis né, jai bu aux sources de sa culture, jai fait mien son passé, je ne respire bien que sous son ciel, et je me suis efforcé, à mon tour, de la défendre de mon mieux. » Marc Bloch (in LÉtrange défaite) Source : France Culture
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L'étrange défaite - Témoignage écrit en 1940 de Marc Bloch
Je suis Juif, sinon par la religion, que je ne pratique point, non plus que nulle autre, du moins par la naissance. Je n’en tire ni orgueil ni honte, étant, je l’espère, assez bon historien pour n’ignorer point que les prédispositions raciales sont un mythe et la notion même de race pure une absurdité particulièrement flagrante, lorsqu’elle prétend s’appliquer, comme ici, à ce qui fut, en réalité, un groupe de croyants, recrutés, jadis, dans tout le monde méditerranéen, turco-khazar et slave. Je ne revendique jamais mon origine que dans un cas : en face d’un antisémite. Mais peut-être les personnes qui s’opposeront à mon témoignage chercheront-elles à le ruiner en me traitant de « métèque ». Je leur répondrai, sans plus, que mon arrière-grand père fut soldat, en 93 ; que mon père, en 1870, servit dans Strasbourg assiégé ; que mes deux oncles et lui quittèrent volontairement leur Alsace natale, après son annexion au IIe Reich ; que j’ai été élevé dans le culte de ces traditions patriotiques, dont les Israélites de l’exode alsacien furent toujours les plus fervents mainteneurs ; que la France, enfin, dont certains conspireraient volontiers à m’expulser aujourd’hui et peut-être (qui sait ?) y réussiront, demeurera, quoi qu’il arrive, la patrie dont je ne saurais déraciner mon cœur. J’y suis né, j’ai bu aux sources de sa culture, j’ai fait mien son passé, je ne respire bien que sous son ciel, et je me suis efforcé, à mon tour, de la défendre de mon mieux. + Lire la suite |
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L'étrange défaite - Témoignage écrit en 1940 de Marc Bloch
Jusqu'au bout, notre guerre aura été une guerre de vieilles gens ou de forts en thèmes, engoncés dans les erreurs d'une histoire comprise à rebours : une guerre toute pénétrée par l'odeur de moisi qu'exhalent l'Ecole,le bureau d'état major du temps de paix ou la caserne.
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Marc Bloch
La mission d’un livre n’est jamais mieux remplie que le jour où les conclusions en sont contestées.
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L'Histoire, la Guerre, la Résistance de Marc Bloch
"Bachotage " Autrement dit : hantise de l'examen et du classement . Pis encore : ce qui devrait etre simplement un réactif, destiné à éprouver la valeur de l'éducation, devient une fin en soi, vers laquelle s'oriente, dorénavant, l'éducation tout entière. On n'invite plus les enfants ou les étudiants à acquérir les connaissances dont l'examen permettra d'apprécier la solidité. C'est à se préparer à l'examen qu'on les convie. Ainsi un chien savant n'est pas un chien qui sait beaucoup de choses, mais qui a été dressé à donner, par quelques exercices choisis d'avance, l'illusion du savoir. Marc Bloch Sur la réforme de l'enseignement . 1943 |
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Apologie pour l'histoire ou métier d'historien de Marc Bloch
Or longtemps l'historien a passé pour une manière de juge des Enfers, chargé de distribuer aux héros morts l'éloge ou le blâme. Il faut croire que cette attitude répond à un instinct puissamment enraciné. Car tous les maîtres qui ont eu à corriger des travaux d'étudiants savent combien ces jeunes gens se laissent difficilement dissuader de jouer, du haut de leurs pupitres, les Minos ou les Osiris. C'est, plus que jamais, le mot de Pascal : « tout le monde fait le dieu en jugeant : cela est bon ou mauvais ». On oublie qu'un jugement de valeur n'a de raison d'être que comme la préparation d'un acte et de sens seulement par rapport à un système de références morales, délibérément acceptées. Dans la vie quotidienne, les besoins de la conduite nous imposent cet étiquetage, ordinairement assez sommaire. Là où nous ne pouvons plus rien, là où les idéaux communément reçus diffèrent profondément des nôtres, il n'est plus qu'un embarras. Pour séparer, dans la troupe de nos pères, les justes des damnés, sommes-nous donc si sûrs de nous et de notre temps ? Élevant à l'absolu les critères, tout relatifs, d'un individu, d'un parti ou d'une génération, quelle plaisanterie d'en infliger les normes à la façon dont Scylla gouverna Rome ou Richelieu les Etats du roi très chrétien ! Comme d'ailleurs rien n'est plus variable, par nature, que de pareils arrêts, soumis à toutes les fluctuations de la conscience collective ou du caprice personnel, l'histoire, en permettant trop souvent au palmarès de prendre le pas sur le carnet d'expériences, s'est gratuitement donné l'air de la plus incertaine des disciplines : aux creux réquisitoires succèdent autant de vaines réhabilitations. Robespierristes, anti-robespierristes, nous vous crions grâce : par pitié, dites-nous simplement quel fut Robespierre. Encore si le jugement ne faisait que suivre l'explication le lecteur en serait quitte pour sauter la page. Par malheur à force de juger, on finit presque fatalement par perdre jusqu'au goût d'expliquer. 2036 - [1952, p. 70] + Lire la suite |
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La société féodale de Marc Bloch
Voici, face à face, deux hommes : l’un qui veut servir l’autre qui accepte ou souhaite d’être chef. Le premier joint les mains et les place, ainsi unies, dans les mains du second : clair symbole de soumission, dont le sens, parfois, était encore accentué par un agenouillement. En même temps, le personnage aux mains offertes prononce quelques paroles, très brèves, par où il se reconnaît « l’homme » de son vis‑à‑vis. Puis chef et subordonné se baisent sur la bouche : symbole d’accord et d’amitié. Tels étaient — très simples et, par là même, éminemment propres à frapper des esprits si sensibles aux choses vues — les gestes qui servaient à nouer un des liens sociaux les plus forts qu’ait connus l’ère féodale. Cent fois décrite ou mentionnée dans les textes, reproduite sur des sceaux, des miniatures, des bas‑reliefs, la cérémonie s’appelait « hommage » (en allemand, Mannschaft). Pour désigner le supérieur, qu’elle créait, point d’autres termes que le nom, très général, de « seigneur ». Souvent le subordonné est dit de même, sans plus, « l’homme » de ce seigneur. Quelquefois, avec plus de précision, son « homme de bouche et de mains ». Mais on emploie aussi des mots mieux spécialisés : « vassal » ou, jusqu’au début du XIIe siècle au moins, « commendé ».
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quel est le 1er homme de l équipage de Gold Roger ?