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Critique de BazaR


J'aime bien terminer l'année par un classique plaisant et non-violent, en résonance avec l'aspect festif de la période. Cette fois j'ai choisi une compilation de deux comédies de Corneille. « le Menteur » et « la Suite du Menteur ».

« le Menteur » (1643) est une petite perle. Dorante, tout juste débarqué de Poitiers avec son valet Cliton, n'a pas sitôt posé le pied à Paris qu'il déclame des calembredaines à qui il croise ; aux belles inconnues Clarice et Lucrèce : il est un soldat aguerri des Guerres d'Allemagne ; à ses amis Alcippe et Philiste : il est à Paris depuis longtemps et y a donné la veille une fête à tout casser ; à son père Géronte qui veut le marier : il est déjà engagé à Poitiers. Chaque fois la fable est servie avec moults détails. Lorsqu'un mensonge est reconnu comme tel, Dorante le renforce par un autre plus gros. C'est une maladie.
On se régale à voir Dorante essayer de se dépêtrer de l'écheveau qu'il a lui-même embrouillé et s'enfoncer dans la vase du quiproquo qui sous-tend la pièce : il pense que Clarice est Lucrèce. Il écrit ses sentiments à Lucrèce (en pensant à Clarice) mais face à face c'est à Clarice qu'il s'adresse et les deux jeunes femmes ne savent plus sur quel pied danser.
La fin est un peu difficile à avaler cependant ; c'est un beau happy-end forcé bien que tous les mensonges aient été dévoilés. Dorante s'en sort par le haut. C'est une véritable apologie du mensonge. Comme l'explique Corneille dans son « examen » (1660), la pièce originale de l'espagnol Alarcón dont « le Menteur » est inspiré se révélait plus sévère pour Dorante, et on sent que si Corneille avait simplement laissé la mécanique agir Dorante aurait été puni. Mais l'auteur trouvait cette fin trop violente pour les codes de la comédie.

La « Suite » (1644) est d'un plus faible niveau. Elle ressemble à ces épisodes 2 des blockbusters américains. Corneille a voulu surfer sur la vague de succès du Menteur et s'est pris les pieds dans sa planche. Il le dit lui-même dans son examen (1660) : la pièce eut beaucoup moins de succès car l'on a retiré l'essentiel de ce qui faisait l'attrait du « Menteur ». Dorante s'est assagi ; il ne ment plus que pour épargner à son prochain une vérité difficile ou un destin tragique. Une fois supprimé le ressort doux-amer du pêché de mensonge, qui attire et repousse à la fois, il ne reste qu'une histoire assez mièvre finissant un peu gravement sur le ton de la tragi-comédie que les gesticulations verbales du valet Cliton ne suffisent pas à rattraper. La mélodie des vers elle-même, parfois ardus à comprendre, contient des fausses notes. Et les multiples références aux évènements « Menteur », si elles forment une mise en abîme amusante (car les personnages apprennent que leurs tribulations passées ont donné lieu à une pièce d'un auteur respectable) empêchent l'oeuvre d'être autonome, trop accrochée à son ainée.

Une pièce excellente et une moyenne, pas trop mal comme fin d'année.
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