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Critique de 5Arabella


La première de cette pièce a eu lieu en janvier 1663, elle a été publiée la même année. Elle semble avoir connu d'abord du succès, mais qui a très rapidement décliné, et elle n'a pas vraiment été reprise ensuite. Un certain nombre de raisons peuvent expliquer la défaveur dont elle a été l'objet.

L'histoire de cette reine africaine, d'origine carthaginoise avait déjà donné lieu à plusieurs tragédies avant celle de Corneille. L'Italien Trissino (appelé parfois Trissin en français) a écrit une Sophonisbe, considérée comme la première tragédie régulière moderne, imitée des anciens (1515). Cette pièce a été représentée à la cour de France à la fin du XVIe siècle. A la suite, beaucoup d'autres versions de cette histoire ont vu le jour, en France tout particulièrement une pièce de Montchrestien, un important auteur de la fin du XVIe et siècle, et surtout celle de Jean Mairet en 1634.

Cette dernière marque une étape importante du théâtre classique, elle est considérée comme la première tragédie française régulière à sujet historique (une pièce de Rotrou Hercule mourant est antérieure, mais son sujet est mythologique), véritable manifeste pour un nouveau théâtre, respectant des règles inspirées par le théâtre antique (même si elles ont été fortement réinterprétées par les théoriciens du XVIIe sicèle). Considérée comme une éclatante réussite, elle continuait à être jouée au moment où la pièce de Corneille affronte la scène, même si son auteur avait depuis un bon moment abandonne le théâtre.

Il faut par ailleurs rappeler que Mairet a été l'un des opposants les plus acharnés de Corneille lors de la querelle du Cid. le traitement du même sujet peut être perçu comme une attaque déguisée contre ce dernier. D'ailleurs un certain nombre de commentateurs de l'époque l'ont vu ainsi, la reprise de ce sujet, traité relativement récemment et avec succès a été reprochée à Corneille. de même que les différences dans l'intrigue avec la pièce de Mairet, même si ces différences vont dans le sens d'un plus grand respect de l'Histoire.

Dans la pièce de Corneille, Sophonisbe, d'abord fiancée à Massinisse, a été mariée pendant l'absence de ce dernier, à Syphax, roi de Numidie. Poussée par sa femme carthaginoise, il combat les Romains, qu'a rejoint Massinisse, dépouillé de son royaume, en plus de l'être de sa fiancée. Malgré quelques victoires romaines, Syphax se voit proposer la paix par les Romains à condition d'abandonner Carthage. Sa femme le pousse à refuser et à continuer la guerre. Il est fait prisonnier. Massinisse entre en vainqueur à Cyrthe, et propose à Sophonisbe, pour lui éviter la captivité, de l'épouser, bien qu'il soit fiancé à Eryxe. Sophonisbe accepte. Mais les Romains ne l'entendent pas ainsi, et exigent que Sophonisbe parte à Rome participer au triomphe. Massinisse lui fait envoyer du poison, mais elle le refuse, préférant avoir recours à celui qu'elle porte sur elle. Massinisse lui survivra, malheureux, mais réaliste.

Corneille s'est vu reproché, entre autres, le mariage de Sophonisbe et de Massinisse, alors que le premier mari de la dame était toujours vivant, et le fait que Massinisse ne suit pas sa bien aimée dans la mort. Les deux étaient des faits historiques, ce que Corneille met en avant, mais ce qui ne paraît pas une justification recevable pour ses détracteurs. le mariage heurte la bienséance, et le refus du suicide du personnage masculin, une certaine conception de l'amoureux idéal. Mairet respecte davantage les stéréotypes et conventions de son époque, c'est incontestable. Mais la trame de Corneille paraît maintenant infiniment plus rigoureuse et vraisemblable. Mairet complique l'intrigue avec le déclenchement par lettre de l'amour entre Sophonisble et Massinisse, qui sont en réalité des inconnus l'un pour l'autre, la jalousie de Syphax. Massainisse, un tant soit peu veule, rappelle les personnages masculins des comédies de Corneille ou son Jason, qui s'aiment surtout eux-mêmes. Sophonisbe, est une reine cornélienne type, qui ne transige sur rien, qui adore régir le monde, garce au possible avec sa rivale. Sans oublier la musique des vers de Corneille, tellement plus intense que la banalité des alexandrins de Mairet.

C'est vraiment une très belle pièce, Corneille arrive à en faire quelque chose de fort, et personnel, alors que l'histoire a déjà beaucoup été traitée, et le paradoxe est qu'il arrive à ce résultat en partant au plus près des sources antiques. Elle mériterait d'être plus connue.

Challenge Théâtre 2017-2018
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