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Critique de GeraldineB


Quand François de Cornière perd son épouse, décédée d'une "longue maladie", il ne perd pas seulement son amour, il perd aussi sa voix. Impossible d'écrire ce grand vide qui le remplit désormais.

"Je croyais pouvoir
ne jamais écrire sur ta mort
- question de pudeur
ou de dignité. "

Chaque matin, depuis cette plage de Bretagne qu'il connaît si bien, il jette son chagrin à la mer et nage vers le large. Nager, pour ne pas sombrer. Avec parfois la tentation de nager trop loin.

Et puis les mots, un jour, sont revenus et de cette peine sans fond, François de Cornière a fait le plus bouleversant des recueils. Qu'il soit dans sa cuisine, assis à cette place qu'elle occupait jadis ou qu'il marche le long de la plage, ses souvenirs affluent avec "La vitesse foudroyante du passé". L'émotion naît de la simplicité de ses poèmes, qui sont comme de petits instantanés de vie. On sourit, à l'évocation d'instants complices:

"C'étaient nos ombres dans le jardin
les soirs où tu avais arrosé
-l'odeur de l'été
du ciment de la terre
et de l'herbe mouillée.
Tu me disais:" Tu rouleras le tuyau?"

Mais le coeur se serre en lisant les poèmes des derniers instants, ceux qui disent l'impuissance et l'abandon que l'on peut ressentir quand l'autre s'en va:

"Et ce poème maintenant
pour demander trop tard:
sentais-tu que j'étais là ?"

Pourtant, si poignant que soit ce recueil, il ne sombre jamais dans le désespoir et l'amertume. Sans doute fallait-il laisser passer quelques années pour que la colère et le silence assourdissant de l'absence refluent, telle une marée. L'homme qui écrit maintenant semble apaisé. Il sait la chance d'avoir partagé tant et tant.

"Plongeon de tant d'années
en arrière ou plutôt
vers le fond
vers le fond
et écrire simplement
contre la mort:
"On était deux."

Cet homme continue de nager vers le large et vers les possibles, comme un qui n'oublie rien mais qui se sent de nouveau vivant:

"Et puis après
avoir envie d'aller nager.
Aller nager.
Comme un homme qui
avec ses bras ses jambes
son corps son souffle
avance sur la mer.
Et pensant que - malgré tout -
il peut encore être heureux."

Et nous le suivons dans cette renaissance qui, tout autant que sa douleur, nous émeut. Riche de tout ce bonheur passé qui l'a rendu si fort, il peut traverser les vagues et nager, nager, un peu plus loin encore.
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