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Critique de Pecosa


" Ah, si je connaissais celui qui a jeté sur le marché des journaux ces fausses idées sur les redoutables apaches et la belle Casque d'Or, on lui ferait son affaire. Tous des crevards, les journaux! », peut-on lire dans les Mémoires de Casque d'Or, publiés en dix-huit livraisons dans la revue Fin de Siècle en 1902. C'est que le directeur de la revue promet « une publication à la fois plus sensationnelle et mieux faite pour leur plaire. », toute la vérité sur la jeune Amélie Elie, 23 ans, native d'Orléans, prostituée dotée d'une chevelure blonde, pour les beaux yeux de laquelle se battront  Manda de la Courtille et Leca, l'ancien des Bat d'Af, portant le grain des apaches au coin de l'oeil. 
Au début du siècle, le public est avide d'histoires de mauvais sujets et de fleurs de pavé qui vivent la mauvaise vie, de Charonne à  Ménilmontant, de Ménil à Belleville.  Et c'est avec grand plaisir que l'on plonge dans ces récits fleurant bon l'argot et le bitume, qui narrent la vie des apaches, souvent très jeunes, qui vont danser la mazurka en pantalon de velours, chasser à Montreuil, pêcher au lac de Daumesnil, et se défient sur les fortifs. 
L'affaire « Casque d'or » se terminera mal pour les protagonistes. "Mais, nous les Français, les spirituels par excellence, nous, le peuple exquis, charmant, incomparable, écoutez, cela  est certain, nous avons un faible pour les voleurs. Dans nos romans, dans nos drames, dans nos opéras-comiques, dès qu'un voleur paraît, il est intéressant (…). le voleur plaît, l'assassin ne déplaît pas. (…) Quant aux gendarmes, quelle horreur! » écrivait Paul Féval dans La rue de Jérusalem. La collection le temps retrouvé du Mercure de France a eu la bonne idée de joindre aux Mémoires de Casque d'or, le récit d'un îlotier dont on ne sait pas grand chose. Intitulé La médaille de mort, l'ouvrage rédigé à la main en 1905, alimenté de coupures de presse, est l'oeuvre du policier Eugène Corsy. Jamais publié auparavant, il fut retrouvé dans un grenier en 1993 puis transmis aux archives de la préfecture de police. 
Corsy, gardien de la paix dans le 20ème, dédie son livre à son jeune collègue Joseph Besse, assassiné dans la nuit du 04 juillet 1905 par un souteneur Felix Boulay. Ce dernier sera condamné à la peine de mort puis verra sa peine commuée en déportation à vie.  Pour Corsy, le constat est triste. Les îlotiers risquent leur vie, les apaches vont régner la terreur dans certains quartiers de Paris, et la justice, quand elle n'est pas impuissante, est trop clémente. « Allons, nous avons encore de jolis petits assassinats en perspective! »
La lecture très plaisante de ces Chroniques apaches nous renvoie étrangement à notre siècle. On sent chez Corsy un même sentiment d'impuissance voire d'échec vis à vis des institutions de la république face à une population pauvre souvent  très jeune, que ni l'école, ni le travail n'a su « cadrer », voire intégrer au sein d'une nouvelle société qui émerge. La création en 1907 des fameuses Brigades régionales de police mobile de Georges Clemenceau tentera de répondre aux besoins de sécurité de la population des villes qui raffole pourtant des articles à sensation d'une presse en plein essor.


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