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Critique de Marc129


J'ai lu cette nouvelle (60 pages) alors que j'avais à peine 17 ans, et j'ai été assez impressionné par le portrait succinct d'un musicien de jazz de génie qui se tue à cause du doute, de la drogue et de l'alcool. Près d'un demi-siècle plus tard, je l'ai relu, et en plus du portrait intrigant, les couches philosophiques et méta-littéraires sont maintenant également apparues, tout aussi impressionnantes.
Le Johnny Carter de cette nouvelle est apparemment calqué sur le saxophoniste Charlie Parker (1920-1955), le pionnier du Bebop, qui a considérablement repoussé les limites du jazz, mais a succombé aux addictions et aux psychoses. J'ai l'impression que Cortazar joue délibérément sur notre fascination pour des figures aussi complexes où génie et fragilité humaine vont de pair, révélant l'ambiguïté inhérente à tout être humain. L'ambiguïté est le concept clé de cette nouvelle, je pense. En témoigne la sous-couche philosophique, qui est explicitement appliquée par Johnny lui-même avec des réflexions sur la relation entre le temps et la réalité, et qui est même stylistiquement renforcée par Cortazar par l'utilisation de temps verbaux qui brouillent la division entre passé, présent et futur. Les courtes réflexions sont intrigantes, mais en même temps elles ne sont que des blancs d'idées qui décomposent notre vision généralement acceptée de la réalité sans offrir une vision alternative. Et donc Cortazar joue encore plus avec les ambiguïtés. Par exemple, à quel persécuteur le titre fait-il référence ? Est-ce le narrateur Bruno qui, en tant que critique et biographe, traque chaque détail sur Johnny, ou est-ce Johnny qui met Bruno mal à l'aise en remettant explicitement en question ses idées ? Ou Bruno, qui cultive une image particulière de Johnny, car il ne sait pas situer les aspects de sa personnalité. J'étais déjà assez impressionné par Jorge Borges, mais la littérature latino-américaine a apparemment produit d'autres grands avec une vision perturbatrice de la réalité.
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