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Critique de Ileauxtresors


Les adaptations BD de romans fleurissent – et c'est chouette ! Ce support peut ouvrir des portes alternatives vers des classiques, mais il permet aussi et surtout – je le disais récemment à propos de l'adaptation de Des souris et des hommes par Rebecca Dautremer – de revisiter des oeuvres connues. Car forcément, le film n'est pas celui qui s'est projeté dans notre tête à la lecture du texte. Et c'est précisément là que réside tout l'intérêt.

Xavier Coste s'est emparé d'un roman culte, un texte qui embrase les imaginaires dès que les libertés sont attaquées, à tel point que chacun croit connaître Big Brother, son régime totalitaire de surveillance absolue et sa politique de réécriture continuelle de l'histoire – dans une novlangue restreinte pour mieux cantonner les esprits à ce qu'ils sont supposés penser. Ce serait une erreur d'en rester là, voilà une oeuvre incontournable qu'il faut absolument découvrir. Pour ses intuitions visionnaires, pour la justesse avec laquelle elle dissèque les fondements des régimes totalitaires, mais aussi et surtout parce que le romanesque, l'humain, l'espoir y surgissent si magnifiquement là où on ne les attend plus.

Ce bel objet-livre de 239 pages rend méticuleusement justice à tout cela. La trame reste très fidèle au roman dont on reconnaît presque chaque page, mais surtout, l'univers orwellien transpire dans les moindres détails : le format carré et la couverture épaisse comme la porte d'une cellule, le travail sur l'esthétique, avec des allusions au régime communiste comme à l'architecture totalitaire, des motifs à la symétrie angoissante et des gammes chromatiques sombres et réduites à leur plus simple expression pour mieux nous oppresser – indigo et jaune dans les ministères où travaille le protagoniste Winston, pourpre et gris à l'extérieur, noir et bleu dans les caves du mal nommé Ministère de l'Amour. Servis par une composition dynamique, les dessins sont puissants. Les personnages en costume-cravate au visage flou fourmillent, anonymes et indiscernables, totalement écrasés par les bâtiments massifs et stériles, sous l'oeil des caméras et le flot d'informations dont ils sont abreuvés. On ressent à chaque page la saveur insipide de leur quotidien et, en même temps, à travers la perspective de Winston, l'ivresse procurée par le moindre interstice, la moindre flamme susceptible de jaillir.

Un album terriblement beau, prolongement moderne d'un texte plus que jamais d'actualité, que l'on referme avec une irrépressible soif de liberté.
Lien : https://ileauxtresors.blog/2..
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