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Critique de Cancie


C'est une fresque féministe que nous donne à lire Delphine Coulin à travers le destin d'une lignée de quatre femmes, quatre mauvaises filles. le récit s'étend de la fin du XIXe siècle jusqu'à aujourd'hui.
Le livre s'ouvre avec Palmyre, la fille de Zélie, donnant naissance à son premier enfant, en 1895, une fille qu'elle décide de prénommer Georges, afin qu'elle puisse vivre libre comme seuls les hommes le peuvent.
Vincent, le premier mari de Georges, va mourir lors de la première guerre mondiale. Elle a 19 ans. Elle va bientôt rencontrer Abraham et ils vont tomber éperdument amoureux. « Pour fêter leur nouveau départ, et pour se protéger contre les à priori dangereux et les regards scrutateurs, ils se rebaptisent : il sera Albert, elle sera Georgette. » Ils auront un fils Serge. La première partie du bouquin a donc pour titre Georgette et raconte la vie trépidante, fantaisiste et libre de celle qui s'affranchit de tous les codes, « Tout, plutôt qu'être une esclave corvéable à merci. »
Son portrait est tracé dès les premières pages : Elle mesurait 1,48 m et n'avait peur de rien – sauf de la mort – qui l'a eue à 106 ans. Mariée trois fois, elle aimait les chats, les hommes, la justice.
C'est grâce à d'autres femmes qu'elle s'est construite. Il y a sa grand-mère Zélie, un personnage haut en couleurs qui a perdu deux orteils lors de la Commune, sa mère Palmyre qui l'emmènera à une conférence antireligieuse, antimilitariste et syndicaliste de Louise Michel dont certaines phrases la marqueront à jamais.
La petite Georges dont la mère et la grand-mère cousent, développera un don prodigieux pour la couture qui lui sera très utile .
À la mort de Palmyre, le père emmènera ses quatre filles en Bretagne, Georges n'a que 9 ans. Un an après, son père désirant lui faire plaisir et l'arracher à sa douleur lui propose de venir avec lui assister au spectacle que donne la troupe de Buffalo Bill, le Wild West Show. C'est là qu'elle voit Calamity Jane sur son cheval et Georges n'aura de cesse de s'identifier à elle. Les véritables mémoires de Calamity Jane sera son premier livre et l'accompagnera partout.
Avec Lucie, sa belle-fille, résistante anonyme, les rapports seront plus que tendus ; elles se retrouveront autour du livre de Simone de Beauvoir : le deuxième sexe.
Toutes deux défendent la cause des femmes mais de manière différente. Georgette revendique la liberté d'être soi-même et de coucher avec qui elle veut. Quant à Lucie, c'est l'indépendance vis-à-vis des hommes qu'elle recherche avant tout. Lucie, sera le titre de la deuxième partie et le troisième personnage du roman Solange donnera son titre à la dernière.
Solange, ardente féministe, est la fille de Serge et Lucie, elle incarne la liberté sexuelle. Quand la pilule vient finalement d'être autorisée, elle pense que sa vie aurait été tout autre si la loi avait été adoptée plus tôt.
C'est Octavie, sa fille, la plus jeune des femmes de cette lignée, notre contemporaine qui a enquêté sur ses ancêtres et cherché à comprendre Georgette, Lucie et Solange, ces femmes à l'incroyable destin, ces femmes malmenées par la société patriarcale et a essayé de démêler le vrai du faux. Chacune d'elles a en effet menti ou du moins s'est arrangée avec la vérité pour vivre libre. Chacune d'elles a dû faire preuve de beaucoup de force, d'ingéniosité et avoir besoin d'un caractère bien trempé pour tâcher de rester indépendante et libre. Pour s'imposer, il fallait une sacrée dose d'audace, de rêve aussi. Forcées quasiment par la société, elles ont dû souvent mentir, le mensonge et le goût de l'imaginaire leur permettant de sublimer leur vie, « L'imaginaire a le mérite de corriger ce que le réel n'a pas pu réussir ».
Cette traversée du siècle du côté des femmes est particulièrement intéressante et m'a plu de bout en bout. L'auteure a su retranscrire avec talent tous les épisodes de la lutte des femmes Certes, il faut aller au bout des 520 pages, mais cette épopée féministe et historique est tellement prenante et intéressante que je ne les ai pas vues filer. Loin, à l'ouest est également une véritable ode à la littérature et à la fiction.
Loin, à l'ouest, cette saga au souffle romanesque se lit comme un thriller et, Delphine Coulin, rencontrée il y a quelques jours aux Correspondances de Manosque a su nous faire revivre avec talent tous les épisodes qui ont marqué la lutte des femmes durant ce XXe siècle, du droit de vote à l'autorisation de la pilule et au droit à l'avortement.
Je terminerai en laissant la parole à Georgette « le grand avantage du roman : il requalifie les faits, arrange la vérité, défend un point de vue... Voilà en quoi le roman est ce qui représente le mieux la vie. »
Laissons donc parler notre imaginaire, n'hésitons pas à rêver et chérissons la liberté !

Lien : https://notre-jardin-des-liv..
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