Celle qui souffle se sent liée à une longue chaîne de femmes. Elle les entend crier, celles qui ont accouché sur ce même lit, de génération en génération, et toutes celles qui, depuis la nuit des temps, ont connu cette douleur, cette peur, cette vie qui passe au travers d’elles, toutes celles qui au même instant mettent elles aussi un enfant au monde.
Celle qui souffre se sent liée à une longue chaîne de femmes. Elle les entend crier, celles qui ont accouché sur ce même lit, de génération en génération, et toutes celles qui, depuis la nuit des temps, ont connu cette douleur, cette peur, cette vie qui passe au travers d’elles, toutes celles qui au même instant mettent aussi un enfant au monde.
(page 17)
Les hommes ont déjà subi la défaite, dont ne parle pas, ceux qui ont été en camp de travail ont vécu des épreuves qu’on évoque à peine dans les journaux, et ceux qui ne sont pas revenus semblent s’être volatilisés dans la nature. On ne va pas leur dire que certaines de celles qui sont restées à l’arrière ont souffert autant qu’eux, ou plus.
(page 319)
Je raconterai tout un siècle du point de vue des femmes – ces invisibles qui ont eu du pouvoir, même si elles n’avaient pas le pouvoir.
(page 14)
Les récits de la guerre qui ne racontaient rien à part les restrictions alimentaires, le rutabaga et les bombardements, elle les connaissait par cœur et les trouvait dépassés. Dès qu’elle les entendait dire « dans le temps », elle filait. À elle, l’avenir, la séduction, l’insouciance. À elle, les « surpats », tellement « baths ».
(page 420)
Marguerite est toujours au Bon Pasteur. Elle travaille comme une folle dans ce couvent qui est aussi une usine de blanchisserie, où les filles dévoyées sont exploitées à bon compte. Les religieuses s’enrichissent sur le dos de leurs pensionnaires et celles-ci doivent obéir et travailler dix-huit heures par jour. Les hôtels, les restaurants, mais aussi certaines familles donnent leur linge à laver et à repasser à l’institution.
(page 122)
Ce n’est pas un amour ordinaire. Georges sait qu’en continuant à voir Abraham, elle défie l’ordre moral, l’ordre social, l’ordre sexuel, et affirme, chaque jour, son individualité. Elle sait que les femmes comme-il-faut et toutes les blondes à bouche molle ne le lui pardonneront pas. Mais elle est follement amoureuse, pour la première fois.
(page 188)
Albert ne croit pas en Dieu, il croit en l’homme.
Alors, il se rend à la sous-préfecture, pour obéir aux lois de la République à laquelle il fait confiance depuis trente-deux ans.
Sur sa carte d’identité où il s’appelle Abraham, on appose un tampon : juif.
- Personne ne devrait pouvoir dire à une femme combien d’enfants elle doit avoir, ou même si elle doit en avoir. Ni le secrétaire général, qui a assez d’argent pour élever les siens, ni le médecin, qui préfère toujours l’enfant à la mère, ni le mari, qui s’en occupe à peine, ni le pays, qui les envoie à la guerre.
Louise Michel apparaît affaiblie, plus vieille que ce à quoi elle s’attendait. Ses cheveux gris et son visage marqué portent les traces de ses années de lutte et de bagne, mais son corps mince reste droit, altier face à ceux qui la regardent avec admiration. Dès qu’elle ouvre sa large bouche qui articule chaque mot comme pour les imprimer dans les esprits des spectateurs, elle galvanise la foule :
« Partout, la lutte est engagée. Si l’égalité entre les deux sexes était reconnue, ce serait une fameuse brèche dans la bêtise humaine. Les êtres sont égaux, les races sont égales, et dans les races, ces deux parties de l’humanité, l’homme et la femme. »
(page 79)