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Critique de fuji


fuji
04 février 2024
« Ce garçon est un drame… »
Le Fond du Puits, à peine un village, plutôt un hameau, un endroit comme il en existe, replié abritant des secrets inavouables. Abjections possibles et perpétuées depuis la nuit des temps par ceux qui subissent et ont honte et ceux qui savent et se taisent. Un éternel recommencement.
Mais ceux qui connaissent la langue des choses cachées, savent dans leur chair et essaient de réparer ce qui peut l'être.
La mère est vieille et lorsqu'elle est appelé par le prêtre, elle ne peut plus faire ces 30 kilomètres à pied alors il est temps pour elle de passer le relai à son fils, il est initié, il doit être prêt.
Cette langue des choses cachées est sue par ceux que l'on évite, en les croisant on baisse les yeux. Rebouteux, sorciers, coupeurs de feu quel que soit le nom dont on les affuble, ils savent se faire discrets et oeuvrer à la réparation du monde.
Seuls les animaux et les enfants les reconnaissent, les sentent et les acceptent, ils savent d'instinct qu'il n'y a rien de mauvais en eux.
Les hommes méfiants ne font appel à eux qu'en dernier recours.
Ces êtres fiers ne le sont pas au point de refuser leur aide aux âmes en peine, la rancoeur n'a pas de place en eux.
La langue des choses cachées se lit du bout des doigts dans chaque palpitation, chaque influx mais pour la comprendre il faut être attentif à ce qu'est la vie. Il faut aussi encaisser ce que l'on découvre et ne préférerait pas savoir.
Alors le fils est appelé pour un enfant gravement malade, l'enfant d'un homme abominable qui n'a en lui que cette étincelle d'humanité qui ne brille que pour cet enfant.
« L'enfant est d'une beauté stupéfiante : la maladie le rend plus lumineux, sa peau semble faite d'un papier d'église, ses sourcils font deux lignes bombées au-dessus d'yeux tremblants. Un rose persiste à la bouche ; le vie résiste sur ses lèvres, la chaleur vient de là, le reste du corps s'épuise, mais le fils reconnaît un souffle, une force si légère qu'il faut un homme comme lui pour la reconnaître. »
Alors que va faire le fils de la mère, arrivera-t-il avec le savoir transmis à le sauver ?
Quels sont les désirs profonds de ce fils, mettre ses pas dans ceux de sa mère ?
Lui a-t-on demandé son avis ?
Tout se joue en une nuit.
La rivière gronde, elle est en crue, le lecteur l'entend en même temps que cette langue que peu possèdent, cela renforce l'étrangeté et cette musicalité des mots, des phrases qui coulent ou grondent nous envoûte.
Cette lecture nous apprend à lire ce fil tendu entre la mère et le fils.
« Cent fois il avait accompagné sa mère quand elle était appelée —il n'y avait pas d'autre manière de le dire, elle était appelée — , quand les hommes ne savaient plus où demander de l'aide. »
Sombres et fiévreux les mots courent nous envahissent comme des serpents qui nous entoureraient, l'écriture est ciselée et tranchante, le prologue est magnifique et il est l'annonce de ce flux qui ne s'arrêtera qu'au point final.
En refermant ce livre j'ai pensé que la bonne dame de Nohant aurait apprécié le thème, le terroir et la langue.
Un roman qui sait allier le classique au contemporain, pour dire une France que beaucoup ignore ignorer.
Personnellement je suis toujours ravie qu'une jeune femme sache d'où elle vient, et soit sensible au terroir, qu'elle puisse traiter des sujets de cette façon.
La noirceur de l'âme humaine et les profondeurs d'un terroir, quand on sait manier les mots pour dire, je trouve que c'est une réussite.
©Chantal Lafon


Lien : https://jai2motsavousdire.wo..
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