La plupart étaient fins saouls, assoupis, hurlant des chansons confuses ou des contes de guerres inconnues, tandis que d’autres étaient occupés à se presser derrière des servantes qui, robe relevée, penchées en avant, les laissaient faire. Tous ressemblaient à des bêtes rendues folles, forniquant sans plaisir, aboyant sans être entendues et comprises.
N'Hul comprit rapidement qu'il s'agissait de trophées dédiés à la beauté, à la femme et à ce qu'elle représentait en général du point de vue du regard des hommes ; un animal bien particulier à chasser, dont la cage était un lit duquel on la libérait pour en mettre une autre.
Ces hommes et ces femmes, qui vivaient dans leur citadelle, dans leur tour d’ivoire, étaient ce qu’il y avait de plus civilisé, de plus raffiné – bien qu’elle aurait été incapable de décrire de quels raffinements il pouvait s’agir –, usant de mots inconnus, presque sacrés, de par ce savoir qui leur était inculqué depuis leur plus jeune âge. Ces êtres avaient l’opportunité de comprendre le monde, de tirer sur quelques-unes de ces ficelles qui le faisaient avancer et entrer en guerre, et profitaient ainsi de leurs droits avec d’autant plus de précautions.
Les gens de pouvoir se permettent tous les privilèges, plus encore quand ils ont des hommes et des femmes sous la main.
Elle savait que, le moment venu, elle saisirait chacun des mots, chaque sous-entendu. Il fallait juste faire preuve de patience. Elle posa les yeux sur des perruques, qui semblaient être composées de véritables cheveux – elle préférait ne pas imaginer ce qu’il était advenu des femmes qui les avaient cédés, de gré ou de force –, et sur toutes sortes de bijoux. Les pierres qui les ornaient avaient l’apparence de pépites et elle rêva à la fortune qui dormait en ce lieu.
Les yeux de la jeune femme avaient cessé de luire, mais les traits de son visage – d’une grande beauté, bien que d’une froideur extrême – restaient comme figés. Elle ressemblait à une statue douée de vie. Elle avait ôté sa tunique recouverte de sang, et en partie en lambeaux après le combat, et exposait un corps sculptural, orné par endroits de tatouages qui n’étaient rien d’autre que les cicatrices d’anciens affrontements. Ses épaules étaient larges, tout comme ses hanches. Sa peau ruisselait d’eau de pluie, qui semblait prendre plaisir à l’envelopper d’un vêtement miroitant et délicat.
Rien ne leur était impossible. Les seigneurs noirs étaient les faiseurs de miracles que tous les puissants étaient voués, un jour ou un autre, à rencontrer.