AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Lenocherdeslivres


Publié en 1974 (traduit et publié pour la première fois en France en 1976), ce roman se montre étonnamment moderne par certains thèmes qui trouvent des échos avec notre société actuelle : perturbations climatiques, retour à la nature, faillibilité de la science, recherche d'une nouvelle voie spirituelle. Un bon choix pour lancer une nouvelle maison d'édition. Bienvenue à Argyll !

Une catastrophe climatique
Quand Briareus meurt, la Terre subit l'onde de choc de l'explosion de la supernova. Fascinés par ce spectacle tellement proche que tous les habitants de notre planète peuvent en profiter, les Terriens observent sans inquiétude, jour après jour, les effets de cette perturbation. Mais des voix se font entendre sur les dangers potentiels d'un tel phénomène. Et même si elles sont minoritaires, elles ont bien raison. Première alerte, de terribles tempêtes, voire des ouragans dévastent certains coins du globe. Dont un port anglais où habite le narrateur. Il en réchappe de justesse. Mais cela ne va pas s'arrêter là et le nord de l'Angleterre (l'auteur est anglais et situe donc l'action dans ce pays qu'il connaît parfaitement et aimer énormément), suite à la défaillance du Gulf Stream, va ressembler progressivement à la Sibérie : froid glacial et neige une bonne moitié de l'année. Écho évident avec notre réchauffement climatique et l'incertitude qu'il véhicule quant à notre avenir.

Des mutants
Suite au passage des radiations, le climat n'est pas le seul à être transformé : toute une partie de la population va être modifiée. On découvre bientôt l'existence d'une mutation Zêta. de jeunes femmes et des hommes sont affectés. Ils vont connaître des expériences communes et avoir des visions. Certains vont avoir des relations sexuelles comme s'ils y étaient obligés, sans désir préexistant. Et eux, comme le reste de la population, vont être frappés de stérilité. du jour au lendemain, plus aucune conception du moindre bébé sur Terre. La fin de l'humanité ?

Une société bien décevante
Face à ce danger exceptionnel, les autorités réagiront. Mais pas nécessairement de la meilleure des manières. Richard Cowper évoque ouvertement le spectre du traitement inhumain réservé aux juifs pendant la Deuxième guerre mondiale. Il montre comment on peut rester bloqués sur de vieilles habitudes, sur des façons de réfléchir datées et inefficaces devant de nouvelles situations, sans être capables de réagir, de s'apercevoir de ses erreurs pour essayer autre chose. Bien sûr, ce n'est pas le cas de toute la population. On trouve aussi des « lanceurs d'alerte » (terme anachronique, pas utilisé dans le roman bien sûr) qui proposent aux autorités d'autres hypothèses, peut-être plus proches de la réalité. Mais il n'est de pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. Cet aveuglement entre en résonance avec notre monde actuel. Cinquante ans plus tard, on peut retrouver les mêmes problématiques.

La venue d'un messie
Le Crépuscule de Briareus véhicule, comme solution, un bagage religieux sous-jacent évident. Dans ce roman, suite à la catastrophe, les populations abandonnent leurs anciennes idoles (technologie, science) au profit des croyances (retour aux religions traditionnelles, émergence de sectes). Et l'on sent bien que l'auteur ne les regrette pas, ces produits du progrès. D'ailleurs, à lire son interview à la fin du livre, on découvre un auteur proche de la nature, du spirituel, très opposé aux villes qu'il semble détester. Quelqu'un qui ne souffrirait pas nécessairement dans le monde tel qu'il est devenu dans son roman.

Un style souple, mais riche
Richard Cowper, de son vrai nom John Middleton Murry Jr, était le fils d'un critique anglais et a exercé le métier de professeur de littérature anglaise. Et il possédait un amour de la littérature qui ressort par tous les pores de son roman. Il cite régulièrement, et à juste titre, des phrases tirées des classiques de a littérature de son pays. Lui-même use d'images parfois singulières, mais toujours parlantes. Son style est riche, mais fluide : pas de longs passages descriptifs, même si l'auteur aime croquer la nature qui entoure ses personnages (il était peintre, également, et cela se ressent dans l'efficacité de ses paysages) ; des dialogues peut-être pas enlevés, mais bien équilibrés et sans superflu. En plus, il sait utiliser les différents genres pour nous raconter son histoire jusqu'au bout : la dernière partie se démarque du reste du roman (mais je n'en dis pas plus). La traduction revisité par Pierre-Paul Durastanti y est peut-être pour beaucoup, mais je pense aussi que la prose de Richard Cowper a su rester moderne et facilement lisible, même en 2021. Je n'ai pas peiné sur ce roman comme cela peut arriver sur des lectures de la même période.

Des suppléments de qualité
À la suite du roman, l'éditeur a eu la bonne idée d'ajouter de quoi remettre cet ouvrage dans le contexte de son époque. Et, surtout, de faire découvrir l'auteur. Tout d'abord, des extraits du blog de Christopher Priest, ami de l'auteur, dont on connaît les avis tranchés, surtout à l'encontre des autres auteurs de science-fiction. Et ces passages ne déçoivent pas tant il est mordant. Mais aussi une assez longue et complète interview de Richard Cowper, qui date de 1979, et permet de bien mieux comprendre qui était l'auteur du Crépuscule de Briareus. Enfin, une courte biographie de l'auteur par l'éditeur. Des « bonus » qui sont tout sauf un gadget. Une très bonne initiative.

Une nouvelle maison d'édition
Mais pas de petits nouveaux, car le quatuor à la tête des éditions Argyll connaît bien le milieu littéraire, pour la plupart. Xavier Dollo, Simon Pinel, Xavier Collette et Frédéric Hugot se sont donc lancés eux aussi dans l'aventure, avec des idées bien arrêtées en terme de solidarité, d'éthique. Un beau projet, de beaux sentiments. Quelques citations tirées d'un article de Ouest-France (Agnès le Morvan, 23/11/2020) : « On souhaite travailler à une rémunération plus juste des auteurs avec des droits d'auteur versés dès le premier livre vendu, signer avec eux un contrat collaboratif et participatif, être le plus égalitaire possible en publiant autant d'autrices que d'auteurs », a dit Xavier Dollo. Tandis que Simon Pinel ajoute : « L'idée est aussi de ne pas surproduire. Avec six titres, cette première année, pour mieux les défendre. Aujourd'hui, trop de livres paraissent et les ventes se concentrent sur quelques best-sellers. » Et : « Avec une volonté que ces essais et romans divertissent mais réfléchissent aussi à demain, en proposant des solutions pour agir. » On espère qu'ils pourront respecter ces principes et que le succès sera au rendez-vous. Longue vie à Argyll !
Lien : https://lenocherdeslivres.wo..
Commenter  J’apprécie          232



Ont apprécié cette critique (21)voir plus




{* *}