Il me reste de cette époque la découverte d'Atom Heart Mother dans un salon bordélique aux canapés fatigués, ouvert sur un jardin ensauvagé et la conscience d'appartenir à la moitié féminine de l'humanité : celle qui enfanté, par choix ou par accident, qui donne sa bouillie au petit pendant que d'autres refont le monde en décidant à ma place quand et combien d'enfants je dois pondre, dans quelle mesure je peux disposer de mon corps...
J'apprendrai le latin juste pour pouvoir continuer à nommer le vivant. Je filerai le virus de l'écriture et le bacille de la botanique à tous ceux qui en voudront. Je ferai un trou dans l'espace-temps, j'inventerai demain en tissant aujourd'hui tandis qu'hier file. Je renouerai avec les fées. Je finirai seule dans une maison perdue au coeur d'une forêt secrète.
Personne ne m'approchera car j'ai j'aurai la peau ridée, les mains osseuses, les cheveux blancs tandis que les vieux ordinaires seront enfermés dans des boîtes à mourir où on leur vole toutes leurs économies et celles de leurs enfants. Je vieillirai en me sentant moi, un mélange de pimprenelle, de reine des prés, de mauve et de savon de Marseille. Je me lavetai juste l'essentiel...