« la seule vérité que je connais, c’est qu’on ne peut pas s’empêcher d’être ce que l’on est. » Ce qui signifiait que si j’étais capable, ce devrait être aussi visible que l’affolement d’Ayame, que le calme apaisant de Mère et que la compassion inextinguible de Père.
Ainsi la plupart du temps, au fond de moi, absolument rien ne me semblait clair. Je pouvais croire de toutes les fibres de mon être que j’étais prête, et l’instant d’après être complètement incertaine à nouveau. Peut-être était-ce là le problème. Peut-être mes parents avaient remarqué cette bizarrerie en moi et avaient décidé que je n’étais pas… conforme.
Si j’avais eu un appareil photo comme ceux que les touristes transportent avec eux, j’aurais immortalisé le regard qu’il me lança. Quoique j’aurais dû expliquer pourquoi je faisais ça, et je n’avais pas encore rassemblé suffisamment de courage pour lui avouer mes sentiments nouveaux. Il me voyait peut-être comme une amie, mais avant cela, j’étais la fille de ses souverains, une enfant sur laquelle on lui avait ordonné de veiller et qu’il devait éduquer, et ce depuis mes sept ans, lorsqu’il était arrivé à la montagne, lui-même à peine sorti de l’enfance, désireux de servir.
Les maisons défilaient à un rythme soutenu, réduites à des murs d’argile et des toits d’ardoise rouge et grise derrière des clôtures basses en béton ou en métal. C’était étrange, de penser que la plupart de ces gens croyaient à peine à l’existence de mon peuple, qu’ils ne nous parlaient ou ne nous adressaient des prières que par habitude, sans plus de foi en nous qu’en les personnages qu’ils regardaient à la télé. Mais tant que des kami vivraient sur le Mont Fuji, et ailleurs, nous continuerions à agir en tant que gardiens de la nature, à faire tout ce que nous pouvions pour maintenir la croissance des champs, pour repousser les tempêtes les plus fortes et contenir le feu qui menaçait dans les profondeurs de la montagne.