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Critique de Luxi


Sarah Crossan reprend les vers libres groupés en courts poèmes pour ce roman. Après le très touchant "Inséparables" qui m'avait beaucoup plu, j'étais extrêmement curieuse de découvrir ce que la romancière nous réservait pour "Swimming pool". Si je n'ai toujours pas été séduite, je dois dire qu'il y a une délicatesse chez Sarah Crossan, un vrai souci de vérité et une bienveillance envers ses personnages principaux, qui m'émeuvent à chaque fois.
Des thématiques graves et perçantes sont abordées, entre la disparition volontaire d'un père ou la persécution que l'on peut subir au collège lorsqu'on est nouvelle – et pire, dans le cas de Kasienka : nouvelle et étrangère. Sarah Crossan nous raconte les premiers émois et les premières palpitations du coeur mais aussi la cruauté de l'adolescence lorsqu'elle se sert des rumeurs et du harcèlement pour nuire. L'auteure retrouve donc l'un de ses thèmes favoris – et sans doute la qualité la plus belle chez l'être humain : la tolérance. La tolérance qui se mêle au non-jugement et à l'acceptation de chacun dans ses dissemblances, ses impuissances et ses grâces.
J'ai rapetissé jusqu'à mes 14 ans en lisant les inquiétudes de Kasienka face à ce garçon qui la trouble et face à cet amour naissant. C'est évidemment désarmant, naïf mais adorable, tout en sensibilité et en légèreté. Et heureusement qu'elle est présente cette légèreté face à tout ce que supporte Kasienka sans broncher. L'auteure réussit un bel équilibre mi-ombre mi-lumière qui finalement est la représentation honnête et franche de cette période extrême qu'est l'adolescence.
Kasienka est d'ailleurs mon personnage préféré du roman. C'est une jeune fille très forte et admirable dans cette force : elle ne se lamente pas, ne soupire pas, n'abandonne pas. Cela ne signifie pas pour autant qu'elle ne ressent pas la puissance et la violence des meurtrissures qu'on lui inflige mais elle se défend autrement que par une vengeance brute. Elle choisit un chemin plus intelligent pour soigner ses plaies et ce chemin c'est l'eau: l'eau de la piscine qui l'enveloppe et la rend plus solide, plus déterminée – presque invincible.
Malgré cette accalmie et cette sérénité qu'elle retrouve lorsque nage, Kasienka se sent fragmentée, gamine aux multiples visages. Il y a la Kasienka "prisonnière" de sa mère au coeur estropié, celle – plus volontaire – qui se confronte à son père, celle qui subit les brimades des filles de sa classe et enfin l'amoureuse exaltée, la Cassie qui se love dans les bras de William et parvient enfin à trouver une certaine forme de paix. J'ai été très sensible à ce symbole tant nous jonglons, adolescents, entre mille désirs, mille comportements, mille émotions, mille représentations de soi.
Cela dit, il y a également beaucoup de peine dans cette histoire, de nostalgie et de regrets. Parce qu'il s'agit aussi d'un roman sur l'exil. La Pologne manque, cette sécurité de la terre natale manque, et rien à Coventry ne semble disposé à les accueillir totalement. Il y a de profonds mo-ments de désespérance et de doutes ravalés. Mais il y a aussi de grands rayons de lumière, de subtils éclats d'espoir et de rêves. Et ces bouquets de lueur dans l'opacité des nuits, ce sont des êtres extérieurs au duo Kasienka-Mama qui leur offre : toutes deux réapprennent à sourire et à espérer au contact de Kanoro et William, deux personnages libres et solides, deux très belles âmes dotées de philosophies de vie magnifiques, qui m'ont beaucoup touchée. Les chapitres consacrés à la romance toute neuve de Kasienka et William sont infiniment gracieuses, fraîches et savoureuses.
C'est un livre très tendre, très délicat et attendrissant, mais comme "Inséparables" il me laisse tout de même une sensation d'inachevé. Pour moi, le vrai souci, c'est la forme : je ne trouve pas que la mise en page apporte de l'originalité ; oui elle épure le texte et lui donne l'aspect d'un journal intime dont on nous laisse infiltrer le contenu secret, mais il me manque de la profondeur et de la lenteur que les vers libres ne m'offrent pas. D'ailleurs j'irais jusqu'à dire que la plupart des textes ne "sonnent" pas comme de vrais poèmes ; je pense que Sarah Crossan m'aurait bien plus envoûtée et charmée si elle s'était contentée d'utiliser la forme du roman. Je trouve "Swimming pool" trop court et trop rapide pour me permettre de m'attacher aux personnages, de les aimer de plus en plus et de ressentir cette charmante blessure de la séparation et du manque lorsqu'il me faut les quitter.
En bref, "Swimming pool" est une lecture difficile mais lumineuse et inspirante, affichant des personnages forts et passionnés, évoquant des sujets de société aussi actuels qu'universels. Il y a des vers qui frappent, qui pulsent, qui brillent, et certains textes peuvent à mes yeux se déguster seuls, à la faveur d'une page ouverte au hasard, tant ils sont réconfortants. Au fond, les romans de Sarah Crossan me font l'effet de jolies berceuses, poignantes mais toujours justes et sincères, soignées et porteuses d'un espoir qui n'a jamais vraiment pâli.
Un grand merci à Babelio et aux éditions Rageot pour cette découverte.
Lien : https://lechemindeslivres.wo..
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