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Critique de Arakasi


Tout commence dans un pensionnat pour filles de Virginie dans le sud des Etats-Unis. Hors des murs de l'établissement, la guerre de Sécession gronde et les armées nordistes et sudistes se déchirent dans des combats sanguinaires, combats dont les jeunes pensionnaires n'ont que peu d'échos, tant la vigilance de leurs institutrices les coupe du monde extérieur. Un jour pourtant la guerre vient s'engouffrer dans leurs vies quand Amelia Dabney, une des benjamines de l'établissement, découvre le corps d'un soldat yankee grièvement blessé à quelques centaines de mètres du pensionnat. Apitoyée, la fillette ramène le caporal Johnny McBurney à l'école où les soeurs Farnsworth, les directrices du pensionnat, parviennent à lui sauver la vie. Mais, une fois guéri, le caporal McBurney ne semble guère pressé de s'en aller : il a pris ses aises dans ce petit univers féminin, tout émoustillé par sa soudaine apparition, et s'emploie à séduire une à une toutes ces jeunes – et moins jeunes – dames afin de conserver parmi elles son petit nid douillet jusqu'à que la guerre prenne fin. Sournois, charmeur et habile menteur, McBurney s'avère très doué à ce jeu de manipulation, mais peut-être, dans sa fatuité, sous-estime-t-il les risques de son séjour au pensionnat Farnsworth. Car l'innocence peut se montrer étonnamment cruelle, la naïveté impitoyable, et, s'il n'y prend garde, le loup pourrait bien finir dévoré par les agneaux…

Ecrit dans les années 60, « Les Proies » est actuellement le seul roman de Thomas Cullinan traduit en français et c'est bien dommage car cet épais huis-clos psychologique est un véritable chef d'oeuvre, de ceux qui vous donnent envie de vous jeter illico sur le reste de la bibliographie de leur auteur ! Admirable autant sur la forme que sur le fond, « Les Proies » étonne également par sa modernité et l'audace des thèmes évoqués, centrés surtout autour de la frustration sexuelle et des fantasmes malsains que celle-ci peut susciter. La construction de la narration est remarquable, alternant habilement les points de vue souvent entachés d'hypocrisie des différentes habitantes de la pension, procédé qui permet au romancier de tisser un récit tout en subtilité où manipulateurs et manipulés échangent souvent leurs rôles au gré des circonstances et des occasions. Brillant psychologue, Cullinan se montre particulièrement doué dans l'exploration de la psyché féminine et ses portraits de femmes sont renversants de finesse et de cruelle acuité : toutes ces dames sont à leur manière des monstres d'égocentrisme et aucune n'échappe à sa plume venimeuse, pas même la jeune Amélia Dabney, amoureuse des plantes et des animaux, dont la candeur pourrait attirer la sympathie du lecteur, si celle-ci n'était doublée d'une inquiétante indifférence pour les autres êtres humains et leurs sentiments.

Je suis extrêmement curieuse de découvrir l'adaptation de Don Siegel avec Clint Eastwood dans le rôle du caporal McBurney, un choix de casting assez stupéfiant quand on songe aux rôles qu'il a généralement endossés. Par ailleurs, le film a excellente réputation, ce qui me présage un sacré bon moment de cinéma. En attendant, je ne peux que conseiller très chaleureusement ce petit bijou d'amoralité et de tension : un vrai chef-d'oeuvre, je vous dis !
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