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Citations sur Storine, tome 1: Le lion blanc (14)

Mais elle se tut. Ses yeux, très verts l’instant d’avant, s’assombrirent peu à peu. Pourtant, elle voulait rire, surtout pour ne pas pleurer. Finalement, elle donna un coup de talon dans les reins du fauve qui partit au galop dans les hautes herbes rousses.
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Storine crachait, toussait, pestait, les doigts enfoncés dans la gorge pour essayer de se faire vomir. Elle se sentait vraiment sale, et laide, et malheureuse. La grande lionne blanche fit un pas, deux pas... Enfin, en deux bonds, la gueule grande ouverte, elle fondit sur l’enfant.

Prise au dépourvue, Storine roula dans l’herbe avec le fauve, puis elle prit une profonde goulée d’air avant d’éclater de rire:

- Croa! Croa! arrête, tu vas m’étouffer!

L’énorme lionne ne cessait de lécher le visage de celle qu’elle considérait à la fois comme sa mère, sa sœur et sa fille. Elle voulait tant se faire pardonner d’avoir franchi la frontière sans permission qu’elle émit de légers couinements tout en voulant, comme elle le faisait lorsqu’elle était lionçonne, frotter son museau froid contre le cou de l’enfant.

La fillette la repoussa fermement:

- Assez, Croa!
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Plus tard, les enfants racontèrent la scène à leur parents qui allèrent se plaindre aux autorités. Comment une lionne avait-elle pu s’échapper du parc dont les hautes barrières de protection, réputées infranchissables, avaient coûté des sommes folles à la communauté?

Pour l’instant, après avoir eu la peur de leur vie, les gamins prirent leurs jambes à leur cou et s’enfuirent en abandonnant leur victime aux griffes du fauve. Mais ils le savaient, ce n’était pas un vrai abandon. Très vite, la curiosité l’emporta sur la frayeur et ils s’arrêtèrent de courir. Essoufflés, leurs mines de conspirateurs plus dédaigneuse que jamais, ils attendirent...
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Autour de lui, les passagers s’agitaient. Surtout les enfants. La joie de voir les célèbres lions blancs se lisait sur leurs visages. Pour eux, Ectaïr n’était qu’une immense savanne pleuplée des plus nobles créatures de l’espace. Pour le commandor, cette planète représentait l’aboutissement de neuf années de recherches et de frustrations. Le rapport secret qu’on lui avait fourni ne laissait à ce sujet aucun doute possible.

Dans quelques minutes, il franchirait les grilles du spacioport. Ses faux papiers étaient au-dessus de tout soupçon. À Briana, il prendrait discrètement place à bord d’un transporteur terrien public. De là, il suivrait la route du sud jusqu’à la province de Ganaë où se trouvait le plus grand des douze parcs abritant des lions blancs.
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La prétention, grotesque d’après lui, de cette planète qui s’entêtait à protéger les lions blancs, doublée de sa pathétique fragilité écologique, le fit sourire. Sous ses sourcils broussailleux, ses yeux noirs brillaient d’excitation. Il éteignit son écran, prit un long et fin cigare ambré... puis il suspendit son geste, agacé.
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Dans la haute ionosphère, un léger roulis berçait les passagers en transit pour la planète Ectaïr. La petite navette de transport quitta le dernier relais et se mit doucement en position d’approche.

Assis dans les dernières rangées de l’appareil, le commandor Sériac Antigor, le nez baissé sur son écran à cristaux liquides, lisait attentivement un rapport secret. Son expérience lui avait appris à se méfier des foules, des endroits trop éclairés et de ces machines à visages humains que l’on appelait des androïdes. Aussi, quand la jeune femme synthétique s’approcha de lui, son premier réflexe fut de l’écarter brutalement. In extrémis, se rappelant que pour le bien de sa mission il devait demeurer discret, il esquissa un sourire forcé. Dépourvue d’émotions complexes, l’androïde s’excusa et lui prit poliment le plateau-repas des mains.

Malgré leur fatigue, les trois cents passagers étaient tout excités à la perspective de se poser enfin sur cette petite planète touristique autour de laquelle flottait un gigantesque voile de brume artificiel.

Insensible à la beauté de ce spectacle, le commandor était vêtu d’un costume civil noir impeccable, d’une longue cape taupe doublée de velours brun, de bottes et de gants de cuir assortis. Ses cheveux de jais, coupés en brosse, assombrissaient son visage basané. Âgé de trente-cinq ans, mince mais d’une solide constitution, il possédait une forte personnalité qui impressionnait souvent ses interlocuteurs. Par contre, ce magnétisme le gênait lorsqu’il tenait à passer inaperçu, comme en ce moment.

Après avoir jeté un regard méfiant autour de lui, il revint à son écran. De la dimension d’un livre, l’instrument était muni de deux plaques, chacune de la taille d’une page. En homme intelligent, le commandor aimait «connaître la nature du terrain», comme il disait.

Le système planétaire de Branaor était situé à la périphérie de l’empire d’Ésotéria et de ce que les indigènes appelaient le «grand néant»: un vaste périmètre intersidéral de plus de cinq mille années- lumière. Deuxième planète à partir de Myrta, son étoile rouge, Ectaïr était le fruit d’une longue et périlleuse expérience scientifique. Grâce à la protection de sa ceinture antiradiation, l’écosystème de la planète s’était, au cours des siècles, profondément modifié, transformant en éden ce monde à l’origine impropre à l’implantation de la vie.

Ectaïr faisait l’objet de soins très particuliers. Les cités y étaient peu nombreuses et, contrairement à ce que l’on pouvait croire, la population humaine ne dépassait pas les trente millions d’individus. Le gouverneur d’Ectaïr, qui dépendait directement du pouvoir central d’Ésotéria, avait pour mission d’y maintenir intactes ses deux vocations premières: l’exportation d’oxygène pur et la conservation, à l’état quasi sauvage, d’une des dernières communautés de lions blancs de l’empire.

Le commandor leva la tête et fixa l’atmosphère gazeuse, rouge, blanche et veinée de pourpre, toujours en mouvement, qui protégeait cette petite planète ridicule:

«Ainsi donc, se dit-il, voici où se termine ma quête...»
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Maintenant toute proche de l’endroit où s’agitaient les enfants, la grande lionne se tapit pour mieux observer. Décidément, les cris et les odeurs de ces petits humains lui dressaient le poil sur l’échine. Comment serait-elle accueillie?

Storine trébucha. Un des garçons la plaqua au sol, empoigna ses cheveux et lui maintint le visage contre terre. Dans un mouvement qui lui arracha un cri de douleur, elle tenta de saisir la branche. Un pied lui écrasa les doigts, deux paires de bras la retournèrent et la jetèrent sur le dos. Dans les mains des enfants, elle vit les seaux...

- Ce sont les restes du déjeuner des chiens, expliqua le premier garçon.

Le visage douloureux et les yeux injectés de sang, Storine ignorait pourquoi ceux de sa propre race la détestaient autant. Elle aurait bien voulu le leur demander, mais cela aurait été s’abaisser, s’humilier; ce qu’elle refusait de faire malgré ses onze ans.

- De la viande crue de Gronovore mélangée à de la bouillie de rats, continua le garçon.

- Mais avant, tiens, mange ça!

Dans un mouchoir humide grouillaient une douzaine de vers jaunes et noirs. On le lui mit sous le nez. Comme elle se reculait, les enfants lui ouvrirent la bouche de force, puis, tout en lui maintenant solidement les bras dans le dos, lui écrasèrent le chiffon sur le visage.

Dans sa tête, la lionne ne supportait plus les battements affolés du cœur de l’enfant. Elle jaillit des taillis et poussa un rugissement de fureur qui explosa comme un coup de tonnerre.
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En classe, toute la journée, elle avait été la cible de leurs moqueries. Il y avait eu un cours de dessin libre où elle avait griffonné une grande lionne blanche. Perfidement, son institutrice avait montré son dessin à toute la classe.
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La lionne glissait sans bruit parmi les hautes herbes. Le vent était son ami. Personne ne pourrait la sentir, sauf l’enfant. Elle espérait ne pas être grondée, car elle le savait, elle était en territoire interdit. Dans son esprit, elle percevait un battement de cœur affolé: celui, triste et en colère, de l’enfant. Ses pupilles incandescentes brillèrent d’un feu plus doux. Le bas de sa gueule se détendit, révélant une rangée de crocs teintés de sang. On aurait dit qu’elle souriait.
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Une dizaine d’élèves de sa classe, garçons et filles, s’arrêtèrent à dix pas, les joues moites de sueur. Un instant, ils considérèrent leur souffre-douleur: sa silhouette maigrichonne dans une robe beige salie, ses cheveux orange toujours mal coiffés, ses étranges yeux verts qui pouvaient virer au noir selon son humeur.

Autour d’eux tourbillonnait le vent brûlant. Sans quitter ses bourreaux du regard, Storine souffla sur une longue mèche qui lui barrait le front. Une violente bourrasque secoua les hautes frondaisons. Quand ses compagnons de classe éclatèrent de rire, elle crut que leur méchanceté s’arrêterait là.

La première pierre l’atteignit sous l’œil gauche. Saisie de surprise plus que de douleur, elle laissa le mince filet de sang lui couler jusqu’à la bouche. Les enfants, eux-mêmes étonnés par la violence de l’attaque, hésitèrent un instant.

- Sale sorcière! lui jeta son agresseur qui cherchait déjà un autre caillou.

- Sorcière! reprirent en chœur trois autres enfants, dont une fille que Storine croyait son amie.

- Bouffeuse de viande froide! éructa un autre garçon.

Mais Storine n’avait jamais vraiment eu d’amis dans cette école où tout le monde, élèves et enseignants compris, la considérait comme une fille sauvage et sans éducation.

Dans le ciel écarlate, un amoncellement de nuages déchirés par les vents s’étiola en longues banderoles sanguinolentes. Un son métallique agita les feuilles argentées des bosquets alentours.

- Attrapez-la avant qu’elle s’échappe! ordonna le garçon qui avait lancé la première pierre.
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