Nous quittons Saint-Germain-en-Laye pour emménager dans une ville de musulmans : Clichy-sous-Bois.
En dehors de ma famille, à Clichy-sous-Bois, les personnes avec qui je grandis, le voisinage, les amies, les camarades de classe sont presque tous des musulmans. Alors je n'ai pas de mal à être une "musulmane".
Toutes les petites filles ne veulent pas être des princesses.
Je déteste tout ce qui se rapporte au monde des filles tel que ma mère me le présente, mais je ne le conscientise pas encore.
Mon père m'accompage à l'école, parfois.
Il ne vérifie pas mes devoirs.
Il ne demande pas ce que j'ai appris.
Il compte sur ma mère pour le faire.
Ma mère dit souvent : "Je fais mon wajeb."
Le wajeb : le rôle.
Son rôle de mère.
Un rôle : fonction remplie par quelqu'un; attribution assignée à une institution. Ensemble de normes et d'attentes qui régissent le comportement d'un individu, du fait de son statut social ou de sa fonction dans un groupe.
Mon père ne parle pas de son wajeb.
Avant moi, il y a trois filles.
Mon père espérait que je serais un garçon.
Pendant l'enfance, il m'appelle wlidi, "mon petit fils".
Pourtant, il doit m'appeler benti, ma fille.
Il dit souvent: "Tu n'es pas ma fille".
Pour me rassurer, je comprends que je suis son fils.
Fatima est la plus jeune fille du dernier prophète, Mohammed - Salla Allah alayhi wa salam, paix et salut sur lui-, et de sa première femme, Khadidja.
L'amour, c'était tabou à la maison, les marques de tendresse, la sexualité aussi.
Je m'appelle Fatima.
Je cherche une stabilité.
Parce que c'est difficile d'être toujours à côté, à côté des autres, jamais avec eux, à côté de sa vie, à côté de la plaque.
J'ai compris que partir ne signifie pas nécessairement rompre et abandonner.
J'écris des histoires pour éviter de vivre la mienne.
Le tabac, c'est le parfum de mon père.
Il fume à l'intérieur de l'appartement, ça ne l'inquiète pas pour mon asthme, il me porte sur ses genoux et tient sa clope de la main gauche.