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Critique de motspourmots


En voilà un qui va rejoindre l'étagère des indispensables. Même si je l'avais repéré lors de sa sortie en janvier, ce livre fantastique a dû attendre son tour dans la pile, juste le temps d'être couronné de deux jolis prix, France Bleu /Page des libraires et le Prix Orange du Livre qui a le chic pour pointer à chaque fois son projecteur sur des livres qui font avancer le monde.

Grâce à ce roman, j'ai appris le rôle extraordinaire joué par Haïti pendant la seconde guerre mondiale, l'un des rares pays à accepter de recevoir en masse les réfugiés juifs fuyant l'Allemagne nazie. L'un des rares pays à déclarer illégal la persécution d'êtres humains en raison de leur race et à octroyer la nationalité à ceux qui en seraient victimes. Plus qu'une déclaration, un crédo inscrit dans la chair d'un peuple qui n'hésita pas à déclarer la guerre au IIIème Reich, du fin fond de son îlot peuplé de moins de 3 millions d'âmes. Chapeau !

"Ici, tout le monde vient d'ailleurs (...). Les racines des uns se sont entremêlées à celles des autres pour devenir un seul et même tronc. Aux multiples ramifications certes, mais un tronc unique. A vouloir les dénouer, on risque le dessèchement du tronc tout entier."

A travers l'histoire de la famille Schwartzberg, Louis-Philippe Dalembert fait revivre des parcelles d'humanité sur les cendres du passé. Cette famille qu'il invente pour nous s'inspire de tant d'autres familles juives d'Europe centrale, décimées et éparpillées aux quatre coins du monde, au gré des opportunités de fuite au fur et à mesure que la menace nazie se faisait plus concrète. Originaire de Pologne, installée en Allemagne pour fuir les humiliations et les violences puis obligée une fois encore de tout abandonner pour sauver ses membres. Dans la famille Schwartzberg, Ruben deviendra citoyen haïtien, sa tante Ruth partira fonder le futur Etat d'Israël, sa soeur Salomé émigrera à New York avec son futur mari et leurs parents... Mais jusque-là, le parcours sera chaotique.

Comme souvent, une rencontre, un concours de circonstances bouleverseront le destin de Ruben, jeune médecin au parcours brisé par l'arrivée de Hitler au pouvoir. Interné au camp de Buchenwald, il y fait la connaissance de Johnny dit "l'Américain" qui le mettra en relation avec la communauté haïtienne de Paris que Ruben rejoindra lorsqu'il parviendra à se faire libérer du camp mais refouler par Cuba et les Etats-Unis comme des milliers de réfugiés embarqués sur le Saint-Louis par peur que des espions ne se cachent parmi les réfugiés... Une parenthèse parisienne enchantée avant que le bruit des bottes allemandes ne précipite son départ vers son nouveau pays.

"Les Haïtiens n'avaient pas l'air de se rendre compte du cadeau qu'ils lui faisaient. En l'accueillant parmi eux, ils lui offraient une terre à chérir et peut-être aussi à détester plus tard, par moments, ce qui serait une autre façon de l'aimer, la détestation étant l'envers de l'amour."

Cette histoire que raconte Ruben, devenu vieux à Déborah, la petite fille de Ruth tout juste débarquée en Haïti pour secourir les populations touchées par le violent séisme de 2010 est à la fois un hommage à la terre qui l'a accueilli et une invitation à ne pas reproduire les erreurs du passé. On imagine Déborah suspendue à ses lèvres, émue d'entendre l'histoire de sa famille et redevable, comme toute la communauté juive à ce peuple généreux.

J'ai été profondément bouleversée par ce livre, touchée par cette belle écriture à la fois sensuelle et musicale et marquée par la simplicité et la droiture dont l'auteur pare son pays et sa population de poètes. Mais surtout, j'ai été Ô combien sensible au message que ce petit état, malmené par les éléments et les hommes est en mesure d'adresser à notre monde actuel.

"... s'il avait accepté de revenir sur cette histoire, c'était pour les centaines, les millions de réfugiés qui, aujourd'hui encore, arpentent déserts, forêts et océans à la recherche d'une terre d'asile. Sa petite histoire personnelle n'était pas, par moments, sans rappeler la leur. Et puis, pour les Haïtiens aussi. Pour qu'ils sachent, en dépit du manque matériel dont ils avaient de tout temps subi les préjudices, du mépris trop souvent rencontré dans leur errance, qu'ils restent un grand peuple."

Indispensable je vous dis.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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