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Critique de 4bis


4bis
05 novembre 2023
Désoeuvrée, dans un moment où je ne savais pas trop par quel versant attaquer la pile des bouquins réputés « à lire », j'ai pris la tangente et la route de la bibliothèque et suis tombée sur cette Histoire romaine. « Ceci est le roman de la famille de Laura Sabatelli Guerrieri de Pretis, celui de sa vie aussi, par ruissellement ».

On fait toujours bien de lire les préambules, voire de les relire une fois le roman achevé. Dans celui-ci, le propos organisateur cède vite au torrent narratif, aux réminiscences olfactives, aux digressions qu'aucun « bref » ne pourrait contenir. Et pourtant, il pose ce que sera la suite du livre : le récit des ascendances maternelles autour de la famille de Pretis d'une part, et celui, d'autre part, des deux générations précédents son père, Sabatelli Guerrieri. Une ramure de l'aristocratie romaine la plus pure, parlant français dans le texte, résolument dévote, absolument fauchée et une autre, juive, aisée, laïque, ayant traversé sans trop de dommage, à Rome toujours, la seconde guerre mondiale.

Il y a un petit côté proustien ai-je trouvé avec bonheur, dans la manière dont nous sont narrées les ambitions sociales de la contessa, grand-mère maternelle de Laura. Il s'agit de tenir son rang. Et aucune banqueroute ne saurait empêcher qu'on reçoive sur un pied à la hauteur de son nom. Les jeunes filles seront envoyées à l'Institut du Sacré-Coeur de la Trinité-des-Monts et fréquenteront les cercles propices à leur délivrer l'époux riche et titré qu'il se doit. Les manières seront excellentes jusque dans la plus grande intimité et s'il ne s'échappe pas beaucoup de tendresse ou d'effusion de ce milieu, il s'en dégage une volonté de fer assaisonnée d'une légère touche de fanatisme despotique.

Du côté Sabatelli Guerieri, c'est zia Rachele qui incarne l'essence de la famille. Obèse impotente, c'est une vieille fille, pianiste hors pair, aquarelliste de talent qui vit au-dessus de là où réside le futur père de Laura. Dans cet immeuble aussi, ce sont plusieurs générations qui cohabitent, passent d'un appartement à l'autre au fil des décès et des nouvelles épousailles. Là plus qu'ailleurs, la guerre a laissé des traces, celé des amitiés indéfectibles.

L'écriture est fine, pleine d'une dérision délicieuse à l'endroit des personnages, révélant leurs travers et leurs élans avec une tendresse communicative. Sinueux, ne craignant ni les prolepses ni les retours en arrière, Une vie romaine campe ces deux familles sur quelques dizaines d'années, dit à travers ses personnages les destins et les possibles d'une Rome durant cinquante ans. le point d'ancrage est Laura, le préambule nous l'a bien présenté ainsi et pourtant, le roman s'achèvera avec ses vingt-cinq ans sans que l'on ait compris pourquoi elle avait été choisie pour cristalliser ces récits.

Alors, malgré le ton propre à une chronique de moeurs pleine d'humour, malgré l'ambition avouée de calquer au genre romanesque, peut-être Une vie romaine n'est-elle pas l'histoire de Laura mais plutôt celle d'un lieu et de ses atmosphères. C'est à ce titre un petit peu décevant. J'aurais bien aimé qu'une si fine peinture des caractères et des temps serve de toile à la trajectoire de la jeune femme. J'aurais bien aimé que les événements ne soient pas là comme des marqueurs d'un temps mais qu'ils dévient, fassent dériver la vie des personnages, leur donnent l'occasion de prendre corps et de se battre contre une réalité qu'ils auraient incarnée à leur façon. Rien de tout cela ici, on reste de l'autre côté du papier glacé d'un livre d'Histoire. le surplomb est agréable au début, mais à force de voir les grandes époques passer, les menus faits biographiques se succéder sans qu'aucune péripétie ne prenne véritablement place pour révéler l'essence de Laura ou de quiconque d'ailleurs, on finit par se trouver un peu désappointé. Malgré tout, les qualités stylistiques que j'ai trouvées à ce roman me pousseront certainement à en essayer un autre du même auteur pour, je l'espère, en revenir davantage conquise.
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