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Critique de Kirzy


Ce premier roman a le grand mérite de mettre en lumière une femme à la trajectoire politique singulière, finalement méconnue, son suicide - jugé contre-révolutionnaire - l'ayant éjecté du panthéon des héros cubains. Haydée Santamaria a pourtant été, avec Melba Hernandez, une des rares femmes à être aux côtés de Fidel Castro dès le départ, elle a même, exercé le pouvoir au comité central communiste cubain et fondé la très influente institution littéraire La Casa de las Americas.

Amina Damerdji a choisi de se concentrer sur la période 1951-1953 de la vie d'Haydée Santamaria, c'est-à-dire sur les prémisses de la Révolution cubaine. Dans ce roman sur l'engagement, elle retranscrit parfaitement toute la vitalité et l'élan d'une jeunesse cubaine idéaliste qui se construit dans la lutte contre la dictature instauré par Fulgencio Batista après son coup d'état de 1952 accompli avec le soutien de la CIA. Les descriptions de l'effervescences de la Havane comme de la misère des campagnes sucrières, très vivantes et sonnent justes.

On y suit la transformation profonde d'une jeune femme issue d'un milieu favorisé qui va s'engager passionnément dans la lutte armée, son éveil au militantisme, sa révolte contre les inégalités sociales qui rongent son pays et la corruption du régime Batista. L'émergence du désir révolutionnaire est très bien restitué, d'abord timide, né de préoccupations futiles ( admiration pour son frère, faire partie d'une bande avec ses histoires amicales et amoureuses ) avant de se fortifier au point de prendre les armes lors de l'attaque de la caserne de la Moncada à Santiago de Cuba. Ce 26 juillet 1953 est le déclenchement de la révolution cubaine, un échec avant la prise de pouvoir en 1959, de nombreux guérilleros sont arrêtés, torturés et assassinés ( dont le frère et le fiancé de la jeune femme )

Si toute la restitution de cette épopée est excellente, je suis moins convaincue par la narration du roman, construit comme une adresse d'Haydée Santamaria dans son appartement de la Havane au seuil de son suicide en 1980. Les chapitres alternent ainsi deux temporalités : celui du présent et celui des souvenirs qui filent de 1951 à 1953. L'idée de confronter la jeune Haydée guérillera passionnaria et celle de 56 ans pleine de dépit et de désillusion à l'heure de l'exode de Mariel qui vit près de 125.000 Cubains s'exiler en Floride après avoir reçu l'asile politique aux Etats-Unis. Terrible de passer sa vie à bâtir un Etat que les gens ne pensent qu'à fuir.

Mais l'ellipse temporelle est trop ample pour être bien maitrisée, quelques repères chronologiques à la fin du roman aurait été bienvenus. Il manque beaucoup trop d'éléments au lecteur pour parvenir à relier correctement ces deux périodes. Au final, cela donne un roman très intéressant par son sujet mais trop lisse, trop sage. le récit manque de cette folie nécessaire pour emporter dans le tourbillon de la vie de cette héroïne passionnante emplie de tourments et d'ambiguïtés qu'on ne fait qu'effleurer dans les explorer avec dans toute leur complexité et leur intensité.

Lu dans le cadre de la sélection 2022 des 68 Premières fois #16
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