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Critique de DianaAuzou


Du noir et blanc, c'est dire un monochrome tellement le noir et le blanc s'appellent, s'interpellent, se tranchent, s'entretissent pour ne former qu'un. La ligne, une vraie anguille, nette, précise, audacieuse, se faufile, ondoie, encercle, sillonne, pointe, efface, casse, se brise, et charge. Une atmosphère est créée, et elle n'est pas légère, loin de là. La première page, une image de la maternité, un cri, un son est attendu, mais, "... ma mère, je ne crois pas qu'elle ait été heureuse", et le blanc devient noir, et le blanc devient larmes.
Chaque trait, aussi petit soit-il, exprime une émotion, raconte infiniment plus qu'une case, il vient avec le vécu d'une vie et toutes ses tourmentes, ses joies aussi, fausses ou vraies.
Le héros est un pianiste génial, passionné, torturé, sombre, froid, rigide, sec ; des épithètes qui se contredisent mais qui vivent ensemble dans ce personnage complexe. Ayant perdu son bras gauche à la guerre, il continue à jouer d'une seule main, et reste génial. Ce n'est pas tellement l'histoire, librement inspirée de la vie du pianiste Paul Wittgenstein qui est très intéressante dans cet album, mais l'histoire des émotions et des traits, des lignes ensorcelantes d'une formidable richesse donnant à chaque planche et à l'ensemble l'image d'un tapis magique, conteur majestueux, où les valeurs de gris sont des plus surprenantes, toutes froides, démunies de douceur, relatant des émotions intellectuelles, vécues qui reviennent avec le recul en analyses des traumas, des blessures, de la lâcheté terrifiante mais qui n'y peuvent plus rien maintenant.
La vie et ses mystères, le sens que nous cherchons et que nous croyons donner aux choses, les questions qui nous prennent d'assaut dans notre mortalité qui va de la générosité à la mesquinerie, de la lâcheté au courage, de l'amour à la haine, jusqu'aux regrets inutiles, l'angoisse qui prend souvent possession de notre cerveau, le tumulte de notre existence intérieure, où le vertige ne rend pas facilement la place à la quiétude. Ce n'est pas de tout repos.
Yann Damezin est un véritable talent, et son graphisme décrit magistralement ce monde, les lignes se font une joie de s'entremêler dans un tissage où la menace plane, le surréalisme trouve joyeusement son compte, le grotesque ne quitte pas la scène, l'imagination est reine et le silence trouve sa place dans le peu de mots, dans une musique lointaine vers laquelle on se laisse emporter "puisque le silence aussi est musique".
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