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Le noir se fait dans la salle.
Le silence est complet, total, sombre.
Des notes surgissent telle une vague venue ravager le rivage.
Elle enveloppe, submerge, sombre.
Le piano chavire, les oiseaux s'envolent, les pieuvres s'échouent, les sirènes coulent.
A son bord, Paul Wittgenstein.

Sombre écueil d'une vie de la bourgeoisie autrichienne,
Des guerres, des pertes, des malheurs,
Et une amputation.
Regarde ce moignon qui se déhanche autour du piano,
Phénomène de foire, les gens le regardent
Et n'entendent même plus cette musique.
Violence des sentiments
Brutalité du monde,
Etoile jaune qui scintille dans le ciel
Relents nauséabonds qui sortent des égouts du fascisme
Les instants sont toujours plus sombres
Dans cette putain de vie,
Vie d'un virtuose torturé.

Voyage au coeur de la psyche d'un pianiste
A qui il manquait un bras,
A qui un jour il commanda
une oeuvre à Ravel, le
Concerto pour la main gauche.

Roman graphique,
Biographie romancée,
Les dessins sont magnifiques,
Foisonnant de détails
D'une noirceur impénétrable
Mais d'une grandeur psychédélique.

Je m'enferme dans le silence
Dans le noir complet,
J'ouvre mon âme
Et sombre dans ce concerto pour la main gauche
Une nouvelle fois.

Ma version : Krystian Zimerman au piano, Pierre Boulez chef d'orchestre et le London Symphony Orchestra
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Après avoir été séduite par Majnoun et Leïli : Chants d'outre-tombe, j'ai souhaité poursuivre ma découverte de Yann Damezin.
Un univers complètement différent ici, car après les couleurs vives et presque criardes de Majnoun et Leïli, se trouve ici un tout autre monde, austère et froid, en noir et blanc.
Pas de quoi se réjouir, car si l'homme qui nous narre son aventure est né avec une cuiller en argent dans la bouche, elle n'a pas été remplie d'amour parental.
Le petit garçon autrichien peine à exister face à ses talentueux frères et soeurs, qui sont tous pourvus de dons en musique ainsi que ses parents, alors il s'escrime pendant des heures sur le piano, mais ses professeurs et sa famille ne lui concèdent aucun talent.
Le jeune Paul va s'acharner durant des heures sur son instrument qu'il semble frapper violement. Il va y mettre toute sa rage, son manque d'amour et de reconnaissance. Son rêve va être de devenir concertiste, contre l'avis de ses parents pour qui musicien n'est pas un métier véritable.
La première guerre mondiale va bouleverser sa vie, lors d'une mission e reconnaissance il est gravement blessé au coude. Lorsqu'il se réveille hébété à l'hôpital il découvre avec horreur qu'il a été amputé de la quasi-totalité de son bras droit. L'infirmière lui dit qu'il peut s'estimer heureux d'être encore en vie, tous n'ont pas cette chance, en plus il est désormais déclaré inapte au combat. Vivant, oui, mais mort à l'intérieur. Qu'est donc un pianiste avec sa seule main gauche à part un pianiste mort ?
Fait prisonnier, son grade et son infirmité lui permettent d'échapper aux tâches harassantes, il se met à jouer sur un piano imaginaire. À la fin de la guerre, de retour dans sa famille, il a soudain une illumination ; demander aux plus grands compositeurs de son époque de lui écrire des oeuvres. Ainsi Maurice Ravel lui compose Concerto pour main gauche mais également Benjamin Britten, Richard Strauss, Sergueï Prokofiev, …
J'ai oublié de vous dire que le jeune homme en question n'est pas n'importe qui, il s'agit de Paul Wittgenstein, qui a acquis une très forte notoriété par sa virtuosité.
D'ascendance juive, la famille Wittgenstein, bien que convertie au catholicisme depuis plusieurs générations va être pourchassée par le national-socialisme. Triste ironie du sort, car plus jeune, Paul Wittgenstein ne se cachait pas de ses idées fascistes.
Le traitement de ce pan d'histoire s'avère très intéressant, à nouveau admirablement servi par le dessin ciselé de Yann Damezin. Une belle découverte, même si j'ai été moins séduite que par la beauté onirique de Majnoun et Leïli.
« Il est normal que la jeunesse se moque.
Elle pense que les vieillards sont lents à cause de leur dos, de leurs articulations, de leur arthrose…
Elle ignore ce que nous avons de souvenirs et de regrets, qu'il nous faut tirer après nous à chacun de nos pas.
Puisse-t-elle l'ignorer longtemps.
Puisse-t-elle se moquer longtemps. »
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Au bout de trois pages, j'ai compris que je tenais là dans mes mains une énorme pépite.
J'ai souvent reproché au biographies d'artistes en bande dessinée de ne rester qu'à la superficie des évènements et de ne pas s'imprégner de l'art dont il est question. Et bien là, je suis totalement subjugué.
Cette bande dessinée est un délice pour les yeux. de ce graphisme en noir et blanc semble sortir du son, des harmonies, des arpèges, c'est un dessin fait de volutes, de subtilités, un dessin sonore et lumineux et ici, c'est de la musique que sortent les images et non les images qui représentent les sons. C'est une ambiance, un univers entier.

L'histoire est inspiré très librement de la vie de Paul Wittgenstein, pianiste autrichien qui perdit le bras droit pendant la première guerre mondiale, c'est pour lui que Maurice Ravel composa le fameux “Concerto pour la main gauche”, c'est aussi une page d'histoire, une époque où l'Europe se déchire, une époque où l'Europe est prisonnière de ses carcans, malade de sa société sclérosée et de ses traditions réactionnaires. Ce Paul Wittgenstein n'est pas un personnage très sympathique, mais pourtant c'est une histoire très touchante pour ne pas dire bouleversante, ce n'est pas tellement l'empathie pour ce pianiste qui nous remue, mais c'est quelque chose de plus universel : l'esprit de l'époque est retransmis par de petits élements, quelques simples coups de crayons qui nous raconte l'histoire, notre histoire, l'art, la musique, l'amour, la haine, la vie, la mort, la guerre, tout ça… Yann Damezin réussi par son graphisme chargé de symbolisme, d'éléments décoratifs, de détails métaphoriques à transcender son propos, c'est une fresque historique poétique, onirique mais sombre et grave, On sent l'influence de David B. On sent surtout qu'il a tout compris à l'oeuvre de David B. et à la création de bande dessinée au point que sa première oeuvre solo est un véritable coup de maître. Parfois un simple dessin dans une planche peut nous amener vers d'autres pensées, car il y a pleins de subtilités qui s'y cachent, on peut rester une heure devant une seule image et découvrir tout un monde, j'ai par exemple devant les yeux une image faisant un rapprochement entre Matisse et les camps de prisonniers. Aucune image n'est neutre, chacune d'entre elle porte une émotion intense, le moindre trait de crayon m'a ému.

Après ça, on ne peut plus écouter le Concerto pour la main gauche de Maurice Ravel de la même façon, ainsi que le quatrième concerto de Sergueï Prokofiev.
“Après tout, qu'importe… puisque le silence est aussi la musique”… puisque la page blanche est aussi du dessin…
J'ai refermé le livre et j'ai fermé les yeux… j'ai attendu un petit moment avant de les ouvrir.

Voilà une bande dessinée où il y a le temps avant de l'avoir lu et le temps après, où ce n'est plus tout à fait pareil et ça, c'est bon.
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Découverte grâce à Babelio et Masse critique, cette bande dessinée est un ouvrage magnifique.

Librement inspirée de la vie du pianiste Paul Wittgenstein, virtuose célèbre amputé d'un bras pendant la première guerre, elle réussit à mettre en relation le dessin et le thème de la musique.
Les dessins en noir et blanc, oscillant entre le surréalisme et le psychédélique, expriment les relations passionnées que le héros entretient avec son instrument et la musique.

Le personnage lui-même n'est guère sympathique.
Né dans une famille bourgeoise et névrosé, lui-même sera toute sa vie égoïste et lâche.
Pourtant le courage qu'il met à reprendre le piano avec une seule main force l'admiration et en fera un pianiste hors du commun.
C'est pour lui que Ravel créera le « Concerto pour la main gauche ».

Mais la force vient vraiment du dessin, de la violence et de la force qu'il donne à cette histoire.
D'autres lecteurs de Babelio ont fait le rapprochement avec David B. En effet, pour avoir lu et été bouleversée par « L'Ascension du haut-mal », je confirme que ces dessins plein de volutes, parfois comme des notes, parfois comme des monstres, expriment le chaos et la violence du tempérament de Wittgenstein.
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Quelle belle découverte!
En voyant la couverture, tellement proche d'un travail de David B., je savais que j'allais de toute façon aimer au moins le graphisme.
L'histoire est celle de Paul Wittgenstein, pianiste à la généalogie dépressive qui a le malheur de perdre un bras lors de la Grande Guerre. Tiré par sa relation complexe avec son piano, il arrive à surmonter son handicap et refait carrière.
Loin du pathos et de l'hagiographie, nous découvrons un homme peu sympathique, d'une intégrité parfois douteuse et aux convictions peu solidaires. La biographie est franche et très humaine et si le personnage attire peu la sympathie, nous suivons avec un intérêt sans relâche l'analyse qu'il a de sa vie et les interrogations qu'il a de son histoire.
Une vraie réussite.
Côté dessin, comme je l'ai dit plus haut, on est très proche de ce que ferait David B., le thème même de la BD est d'un sujet qui aurait pu être exploité par l'auteur de l'Ascension du Haut Mal.
Le trait est toutefois un peu moins fin, le mouvement un peu moins fluide mais reste très riche et l'exploitation symbolique est parfaitement à propos et admirablement exploitée.
Un chef-d'oeuvre.
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Du noir et blanc, c'est dire un monochrome tellement le noir et le blanc s'appellent, s'interpellent, se tranchent, s'entretissent pour ne former qu'un. La ligne, une vraie anguille, nette, précise, audacieuse, se faufile, ondoie, encercle, sillonne, pointe, efface, casse, se brise, et charge. Une atmosphère est créée, et elle n'est pas légère, loin de là. La première page, une image de la maternité, un cri, un son est attendu, mais, "... ma mère, je ne crois pas qu'elle ait été heureuse", et le blanc devient noir, et le blanc devient larmes.
Chaque trait, aussi petit soit-il, exprime une émotion, raconte infiniment plus qu'une case, il vient avec le vécu d'une vie et toutes ses tourmentes, ses joies aussi, fausses ou vraies.
Le héros est un pianiste génial, passionné, torturé, sombre, froid, rigide, sec ; des épithètes qui se contredisent mais qui vivent ensemble dans ce personnage complexe. Ayant perdu son bras gauche à la guerre, il continue à jouer d'une seule main, et reste génial. Ce n'est pas tellement l'histoire, librement inspirée de la vie du pianiste Paul Wittgenstein qui est très intéressante dans cet album, mais l'histoire des émotions et des traits, des lignes ensorcelantes d'une formidable richesse donnant à chaque planche et à l'ensemble l'image d'un tapis magique, conteur majestueux, où les valeurs de gris sont des plus surprenantes, toutes froides, démunies de douceur, relatant des émotions intellectuelles, vécues qui reviennent avec le recul en analyses des traumas, des blessures, de la lâcheté terrifiante mais qui n'y peuvent plus rien maintenant.
La vie et ses mystères, le sens que nous cherchons et que nous croyons donner aux choses, les questions qui nous prennent d'assaut dans notre mortalité qui va de la générosité à la mesquinerie, de la lâcheté au courage, de l'amour à la haine, jusqu'aux regrets inutiles, l'angoisse qui prend souvent possession de notre cerveau, le tumulte de notre existence intérieure, où le vertige ne rend pas facilement la place à la quiétude. Ce n'est pas de tout repos.
Yann Damezin est un véritable talent, et son graphisme décrit magistralement ce monde, les lignes se font une joie de s'entremêler dans un tissage où la menace plane, le surréalisme trouve joyeusement son compte, le grotesque ne quitte pas la scène, l'imagination est reine et le silence trouve sa place dans le peu de mots, dans une musique lointaine vers laquelle on se laisse emporter "puisque le silence aussi est musique".
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Quel coup de coeur ! Quelles découvertes !
Découverte d'un Jeune auteur de Bd , Yann Damezin qui est aussi scénariste.
Découverte d'un personnage , Paul Wittgenstein , pianiste autrichien ayant vécu au début du 20ème siécle et qui a eu le bras droit amputé pendant la première guerre.
Découverte d'un dessin mais le mot est trop faible . Découverte d'une graphie ,d'un art, le tout en noir et blanc.
La premièrepage de se roman graphique donne le ton.
6 cases pour montrer de profil une femme enceinte et ces 6 mêmes cases pour mettre en dessin, en graphie un son , une émotion, un ressenti.
Toute la vie de Paul Wittgenstein librement inspiré par Yann Damezin poursuivra ce postulat. Un dessin pour la biographie et une création graphique pour ressentir; s'émouvoir.
C'est jubilatoire, c'est créatif, sonore, poétique.
A chaque page nous restons béat devant ces sons transformés en feuilles , ces émotions transformées en Gorgone, en animaux fantastiques ou encore en corps déstructurés.
Quand on referme ce roman graphique on est étourdi d'une telle vie car cela est bien la vie de Paul Wiitgenstein, et longtemps la représentation graphique de Yann Damezin nous accompagne et nous donne à entendre différemment le Concerto pour main gauche de Ravel.
Et c'est avec délectation que l'on ouvre à nouveau ce roman graphique pour découvrir les subtilités des dessins
et se laisser emporter par une certaine poésie.



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Une oeuvre magnifique ! Je découvre un artiste éblouissant ! Un graphisme symphonique ! Onirisme, surréalisme...poésie sur toutes les pages.
Au delà de la narration de la vie de Paul Wittgenstein, c'est bien l'appropriation, ou plus exactement la proposition de l'univers du pianiste que nous livre Yann Damezin qui nous saisit et nous emporte.
Yann Damezin ! Retenez bien son nom ! C'est un grand !

Astrid Shriqui Garain
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Magnifique BD. le mot "magnifique" a toute son importance et tient essentiellement à la beauté du livre, à son graphisme, ses sublimes dessins très approfondis et riches en détails.
En dehors de l'histoire vraie qu'il nous est conté, celle d'un pianiste amputé du bras droit à cause de la guerre, il se dégage beaucoup de poésie et d'onirisme dans ce livre d'une grande profondeur, grâce aux dessins mais aussi à la narration, à la disposition et l'arrangement des pages, au noir et blanc... Ce savant mélange tend à nous faire voyager, méditer, nous toucher au delà des mots, toucher notre imaginaire et notre inconscient.
L'histoire est très dure, poignante mais aussi tragique et un peu déprimante. Un témoignage choc et lourd d'une époque, d'une classe sociale, d'une politique, d'un mutilé de guerre. On se trouve accablé par les malheurs à répétition du pauvre pianiste qui aura souffert toute sa vie.

Un magnifique livre qui vaut le détour rien que pour sa beauté et son originalité.
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Cette BD, très belle et sensible, nous raconte la vie de Paul Wittgenstein, pianiste autrichien amputé du bras droit pendant la Première Guerre Mondiale, donc de son instrument de travail, de sa raison de vivre. L'auteur nous ballade dans cette biographie hors normes où les sensations l'emportent sur les dialogues, où le ressenti traverse les images pour nous toucher au-delà de nos yeux. Paul Wittgenstein n'est pas un personnage sympathique, pourtant on ne peut s'empêcher d'être fasciné par cette histoire, le trait et la mise en page de Dumezin y étant sans doute pour beaucoup. Original, inspiré et passionnant, une très belle découverte pour ma part.
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