AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de CDemassieux


Le Bernin à Paris, c'est un d'abord un rendez-vous manqué, né d'une incompréhension entre deux mondes : Rome et la France. C'est un échec augmenté par une cabale contre ce génie italien jalousé ; cabale menée notamment par Charles Perrault, le célèbre auteur des contes, qui savait à l'occasion se montrer d'une incroyable mesquinerie. le même Perrault qui, toute honte bue, osera écrire ceci du Bernin : « Il était médiocre architecte, et s'estimait extrêmement de ce côté-là. » Ceux qui ont vu la place Saint-Pierre, à Rome, savent quoi penser de ce jugement imbécile. Et le Bernin d'écrire : « J'ai un grand ennemi à Paris, oui, un grand ennemi : c'est l'opinion qu'un s'y fait de moi. »

Une opinion alimentée par la franchise brutale de l'artiste, qui ignore parfois les convenances : « Tout, chez lui, déroute ou déplaît à des Français enivrés d'étiquette et de préséance. » Il y a aussi les chicaneries de Colbert, discutant les plus petits détails des projets du Bernin pour le Louvre, raison de se venue en France. Car « au quotidien, le Louvre n'était pas l'affaire du Roi mais de Colbert ». Tout cela aura raison dudit projet, avec une « parenthèse enchantée », comme l'écrit l'auteur : le buste de Louis XIV, chef-d'oeuvre visible de nos jours à Versailles et qui montre le talent inouï de l'artiste. Un oeuvre vivante et aérienne, si différente des bustes figés qu'on peut voir ailleurs de Louis XIV.

Mais, comme l'explique remarquablement Laurent Dandrieu, le principal est là : « Plus que dans une opposition dénuée de sens entre le baroque et le classicisme, les raisons de l'abandon du Cavalier résident dans le fait qu'on avait cru, en faisant appel au Bernin, s'assurer les services du meilleur des héritiers de l'Antiquité, et qu'on s'était aperçu que la fidélité à l'Antique de cet irréductible génie prenait des formes italiennes qu'on ne jugeait pas souhaitables sous nos latitudes. »

Le temps n'était plus à la Renaissance où les artistes italiens dominaient, même si déjà à l'époque la France absorbait l'art italien pour en extraire un style propre, dont l'école de Fontainebleau est le parfait exemple.

De ce rendez-vous manqué avec le Bernin naîtra donc le style classique français, pas aussi anti-baroque que certains l'ont prétendu. Pour autant, le Bernin, avec son projet du Louvre, n'a pas compris que : « On voulait, en réalité, un palais qui traduisît “l'âme du princeˮ qui l'avait commandé : or, si cette âme était attirée vers le baroque, elle était avant tout française. »

Cependant, Louis XIV et le Bernin ne sont pas si éloignés. Ce sont deux géants dans leurs domaines respectifs, à savoir la politique pour l'un et l'Art pour l'autre. L'Art servira d'ailleurs au souverain pour assoir sa gloire et celle de la France, incarnées dans le projet artistique d'une vie : Versailles. À propos du Bernin, l'auteur écrit ceci : « les extases berniniennes révèlent le coeur du baroque : dévoiler les secrets de l'intériorité sous l'apparence du théâtre, la vérité de l'être par le masque de l'illusion. » Phrase qui colle très bien à Louis XIV qui mit véritablement en scène son règne.

Dans tous les cas, ce récit historique de Laurent Dandrieu, aussi fluide que savant, est un voyage dans un temps où l'Art régnait au moins autant que le Soleil…


Commenter  J’apprécie          30



Ont apprécié cette critique (2)voir plus




{* *}