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Critique de Meps


Même si on a déjà beaucoup entendu parler de Kamel Daoud, Zabor n'est que son deuxième roman... et le dernier à ce jour. Après l'exercice qu'était Meursault contre-enquête (un roman réponse à l'Etranger de Camus, il fallait avoir l'audace de le faire tout de même !), ce Zabor semble très vite être beaucoup plus personnel. Le romancier Daoud y cherche son style, raconte en partie son histoire à travers son personnage principal (Zabor est le nom arabe du livre des Psaumes, écrit par David... Daoud en arabe...).

L'ode au livre, à la lecture, à l'écriture traverse tout le roman... et une contestation osée (mais qui n'étonnera pas chez Daoud) de l'existence d'un Livre Unique qui aurait réponse à tout. La découverte des diverses langues de l'Algérie se fait dans le mystère, elle sont longtemps non nommées et pourtant si faciles à deviner entre les lignes : l'algérien (darija), l'arabe et le français, tout ce qui a construit l'identité de l'auteur. Le côté fable est très présent avec le pouvoir donné à l'écriture, celui de maintenir en vie, de sauver de la mort; littéralement et effectivement dans le roman, mais on ne peut que penser à l'écriture qui permet de garder une trace dans l'histoire pour les générations futures mais aussi de l'écriture comme rempart contre l'obscurantisme, comme parapet face à la folie où pourraient nous plonger les horreurs de ce monde.

Alors que son premier roman était "tenu" par l'impératif du face à face stylistique avec Camus, Daoud se trouve ici à nu, avec pour seule obligation son envie de trouver sa langue pour parler à son lecteur. La quête du personnage principal devient la quête de l'écrivain. On est toujours tenté par la référence à des grands anciens, et j'ai retrouvé un peu du réalisme magique d'un Garcia Marquez (le village parfaitement décrit, mais également totalement décalé par une part de surnaturel). Les trouvailles métaphoriques sont légion, là encore comme celles que Zabor finit par trouver au bout de sa quête. Même le ressassement qui pousse à une répétition lancinante de certaines tournures, de certains événements inlassablement repris à l'identique, ce ressassement est aussi celui de Zabor qui n'avance dans sa conquête de l'écriture d'imagination que par cercles successifs, lui ouvrant de plus en plus l'espace au sein du village. Le rapport au temps est totalement torturée (des passages en italique invoquent le présent au milieu du récit pas forcément chronologique de la vie de Zabor).

On sent un romancier en formation, fort de bases solides mais cherchant encore sa voix, mais plein de tellement de promesses qu'on attend avec impatience un troisième roman. On se consolera en attendant avec les récits non-fiction et les chroniques du journaliste Daoud.
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