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Critique de berni_29


Pour celles et ceux qui aiment comme moi le jazz et l'histoire du jazz, Thelonius Monk est un personnage merveilleux, atypique, prodigieux, qui a compté furieusement dans ce genre musical et son épopée.
Monk est un roman graphique immense par sa puissance et l'épaisseur du livre, une BD de 352 pages !
Youssef Daoudi produit une oeuvre originale réalisée avec brio.
Elle s'appelait Kathleen Annie Pannonica Rothschild, baronne de Koenigswarter, mais on la surnommait la baronne du jazz. Elle est en effet issue de la famille Rothschild. Elle est de surcroît fortunée. C'est tout d'abord à Paris qu'elle a pu apprécier avec enthousiasme la découverte du jazz be-bop. La rencontre avec Thelonius Monk fut un déclencheur.
Lui c'est Thelonius Monk, pianiste splendide, surnommé le messie du jazz. Sa technique de pianiste est hors norme. Certains n'entendent que des fausses notes, alors que d'autres oreilles plus aguerries entendent déjà dans ses dissonances étranges, dans ces notes légèrement décalées, une autre façon harmonieuse d'aborder l'autre face d'un monde caché et de révéler ce qu'il veut nous dire.
Ils étaient chacun rebelle dans leur univers, ils étaient donc peut-être faits pour se rencontrer. La rencontre tient de la légende, pourtant elle est bien réelle et c'est ce qui la rend encore à la fois plus belle et totalement inouïe.
Ce roman graphique montre leur rencontre. C'est une formidable histoire d'amitié.
On roule en Bentley dans les matins crasseux chargés de musiques et d'alcools, traversant les rues de New-York à travers la lumière apeurée qui glisse sur l'asphalte.
Le dessin est sec, vif, tranché. Il va à l'essentiel. Il produit une énergie digne d'une partition jouée par le maître de l'improvisation, Theolonius Monk. le tempo est là, on a plus qu'à se laisser porter par le flot des notes...
Mais dans cette fresque immense dédiée à une icône du jazz, j'ai été particulièrement séduit par cette rencontre avec une femme extraordinaire qui a renoncé à tout, l'honneur du nom qu'elle portait, son titre de baronne, le prestige, la gloire, la richesse... Il n'empêche qu'elle demeura baronne du jazz, mécène avant l'heure, accueillant plus tard à New-York chez elle ces grands oiseaux prodigieux et blessés tels celui qu'on surnommait The Bird. Il mourut dans son appartement le 12 mars 1955 épuisé par une vie dissolue, il n'avait que trente-quatre ans, le médecin qui constata le décès lui donnait plus de soixante-ans. Qu'importe ! Les jazzmen sont immortels, tutoient le ciel, les astres et peut-être ce qu'il y a après, plus loin, plus tard.
Pannonica, personnage un peu fantasque, le savait, elle l'avait senti lorsqu'elle a entendu pour la première fois de sa vie, une note de jazz. Elle porte en elle une sorte de génie intuitif, une sensibilité révoltée, l'art de savoir trouver dans cette musique un chemin qu'elle reconnaît comme quelque chose de familier. C'est elle la première qui a compris le génie de Theolonius Monk.
Son grand appartement est ouvert à tous les vents, à tous les albatros qui échouent là, bousculés, blessés, meurtris, encore géniaux dans leur art, surtout lorsqu'ils sont bousculés, blessés, meurtris...
Elle apporte la proximité d'une femme, son regard, sa présence, sa compassion aussi, son âme sur le jazz qui se retrouva aussi dans certaines des musiques produites par ces magnifiques oiseaux solitaires et blessés.
Souvent l'histoire du jazz est liée à des histoires totalement déjantées. La force de ce roman graphique est de dire cela dans un rythme justement très jazz, tandis que nous découvrons les méandres intérieurs des personnages, leurs rêves, leurs espoirs, leurs blessures, leurs soleils.
Cette BD est puissante pour dire cette merveilleuse et insolite rencontre. Parfois j'aimerais que la vie de maintenant ou d'après, je ne sais plus comment il faut l'appeler, ressemble à cela, une partition de jazz de Theolonius Monk tandis qu'on s'envoie tous en l'air.
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