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Critique de domi_troizarsouilles


Ce livre est pour moi une déception…
… et je suis sidérée quand je lis les avis dithyrambiques qui lui ont été donnés, ou quand je vois les moyennes qu'il a obtenues à ce jour sur les différentes plateformes de lecteurs (17,7/20 sur Livraddict, 4,49/5 sur Babelio - c'est-à-dire 17,96/20 si on veut comparer). Mazette ! on croirait avoir là un chef-d'oeuvre – alors qu'il s'agit d'un premier roman, plein de maladresses que plusieurs critiques soulignent, en plus. Certes, c'est un livre « young adult », et on m'a déjà reproché en d'autres temps d'être trop sévère envers cette littérature… Rassurez-vous, j'ai parfois trouvé de vraies pépites, mais ici, décidément, je n'ai pas accroché. Ce n'est pas que l'histoire soit foncièrement mauvaise, je dirais même au contraire, mais au fil de ma lecture je ne voyais plus que les défauts, et pour moi c'est rédhibitoire.
Je tiens toutefois à répéter mon leitmotiv dès à présent : ce présent commentaire n'engage que moi, et reflète mon ressenti sur une lecture à un moment précis de ma vie, ce n'est donc en rien une condamnation absolue contre l'autrice (d'ailleurs j'ai un autre livre d'elle dans ma PAL, et je lui laisserai une autre « chance »), même si ce qui suit sera clairement moins enthousiaste que la majorité des autres avis !

Alors, pour commencer, soyons justes : l'écriture est fluide et plaisante, cela ne fait aucun doute, nous avons là un énorme potentiel ! Mais ici, je suis désolée, il s'exprime avec trop de maladresses, des incohérences, des longueurs aussi, si bien que c'est un sentiment général de lassitude qui prédomine – sans parler de l'épilogue à la bisounours, qui décrédibilise complètement ce que j'avais déjà peiné à appréhender au rythme de l'autrice.

D'abord, l'univers que l'autrice a créé est original et bien amené, mais pas extraordinaire non plus. On est dans une société de type médiéval, et surtout excessivement manichéen (ce qui me dérange toujours un peu, mais ce n'est pas le sujet) : d'un côté, le pouvoir et les richesses sont partagées entre quelques grandes familles qui sont rassemblées dans la « Ligue écarlate » qui gouverne tout, avec à sa tête le mystérieux et implacable Oméga ; de l'autre côté, le reste du monde est divisé entre quelques riches qui paradent et acceptent tout pour garder leurs privilèges, tandis qu'une majorité de pauvres survivent tant bien que mal dans « les bas-fonds » (il n'y a clairement aucune classe moyenne ou assimilé, dans ce roman), subissant attaques de la milice ou appels pour le front dans une guerre qui s'éternise contre leurs voisins, mais gardant envers et contre tout l'espoir d'un avenir meilleur. Là, le marché noir règne en maître, et un vague mouvement de rébellion mené par deux frères appelés « les princes maudits » s'organise vaille que vaille.
C'est aussi un monde dans lequel les arts sont strictement prohibés : peinture, musique et littérature n'ont plus droit de cité et quiconque voudrait défier ces interdits, risquerait sa vie. Quand je disais que c'est original sans être extraordinaire, c'est précisément à ça que je pensais : tout régime dictatorial commence toujours par anéantir ceux qui osent s'exprimer, notamment à travers les arts, ce n'est guère une invention très originale (hélas !)… Quant à la couleur écarlate, si c'est celle du sang des victimes de ce régime, n'est-ce pas aussi celui d'une certaine Servante ?... Est-ce un hasard ?

Bref, c'est dans ce monde qu'évolue notre personnage principale : Plume, jeune fille de la haute société à la périphérie de la Ligue écarlate, s'amuse la nuit à défier les autorités en se baladant sur les toits, et en dessinant sur les murs à la craie des oeuvres éphémères que les gardes effacent dès le matin suivant. Elle ne cesse de rêver d'un monde meilleur, et va tenter de s'approcher de ces fameux « princes maudits », mais sa rencontre avec Élias, insupportable héritier de la Ligue, va peut-être bien tout changer…

Tout ça n'est qu'une partie infime de l'histoire, car ce roman est réellement foisonnant, avec de nombreux rebondissements, des virages à 210°, et certains sont tellement inattendus qu'on en reste bouche bée ! Divisé en trois parties, ce livre invite aussi à un voyage dans le temps de façon inattendue (et en disant ça je suis déjà à la limite du spoil), et surtout dans un univers qui devient de plus en plus noir et désespérant.
Ainsi, la 1re partie m'a laissée dubitative mais peu à peu on se laisse prendre par l'ambiance et l'espoir qui y est entretenu ; la 2e partie est tellement, complètement différente qu'il m'a fallu du temps pour seulement « accepter » ce rebondissement radical, mais peu à peu on est presque heureux de découvrir nos héros différemment et ce qui ressemble à une vague romance de type « ennemies to lovers », et à nouveau on se nourrit d'espoir pour un avenir meilleur… et puis paf, la 3e partie casse à nouveau tout, et là j'ai complètement lâché prise, je ne pouvais plus lutter contre mon désenchantement.

Tournons-nous plus avant vers les personnages : ils ne m'ont pas semblé attachants une seule seconde ! parce qu'ils ne sont pas crédibles… Plume a un côté très gnangnan, elle passe son temps à foncer dans le tas sans jamais réfléchir aux conséquences, puis se lamente comme une donzelle éperdue quand elle se rend compte que certains choix provoquent des catastrophes… et là je lève les yeux au ciel, car dans plus d'un cas, c'était tellement prévisible ! Certes, on peut dire que son caractère est bien trempé, mais elle m'a surtout fait l'effet d'une gamine capricieuse de 17 ans, entêtée et écervelée, qui n'a jamais connu que les draps de soie et se prend tout à coup à jouer les justicières, comme on jouerait avec des Barbies transformées tout à coup en preux chevaliers, sans aucune once de réflexion derrière ! (imaginez-vous les Barbies ainsi transformées ? on est d'accord que c'est plutôt risible…) le bien-connu Zorro, d'origine tout aussi noblionne et qui se baladait lui aussi la nuit sur les toits, faisait quand même beaucoup mieux, dans le genre !
Bref, de façon générale, elle m'a énormément agacée, à travers tout le livre !

Élias, quant à lui, héritier de la Ligue quelque peu mystérieux, est présenté d'emblée comme une espèce de monstre, manipulateur, avide de pouvoir et sans coeur. Cependant, si c'est dit et re-redit un nombre incalculable de fois, c'est beaucoup plus rarement « montré » dans l'action, du moins au début, si bien qu'on n'y croit que partiellement. En effet, la première fois où il commet vraiment un acte potentiellement répréhensible , en fait on aurait presque envie de l'applaudir, car même si c'est cruel, c'est contre un « méchant », donc ça passe… C'est à tel point qu'on finit par imaginer que tout ça n'est qu'une façade, et qu'il va jouer un grand, beau rôle dans l'histoire, mais là non plus je ne peux pas en dire plus. Il n'en reste pas moins que l'autrice propose ainsi un personnage ambigu et torturé, offrant de grandes possibilités de développement ; malgré ses côté (très) sombres, il paraît d'emblée touchant aux yeux du lecteur (du moins à mes yeux)… et puis l'autrice l'entraîne dans une destinée tout à fait inattendue, qui ne « colle » pas avec les indices qu'elle avait elle-même semés, faisant de lui une espèce de caricature très noire du personnage. Ainsi, au premier revirement de situation, elle m'a surprise, ensuite elle m'a perdue (et surtout navrée)…

À leurs côtés, on a toute une palette de personnages secondaires, qui à mon sens auraient pu être beaucoup mieux développés (quitte à laisser tomber quelques autres longueurs, sur lesquelles je reviens plus loin). On ne sait que très peu, et très tard, sur les « princes maudits » ; on s'attache vaguement à Jack mais il reste trop ambigu jusqu'au bout ; on se demande ce que vient faire le petit Pipo dans toute cette histoire et son intervention tient un peu du joker que l'autrice aurait tout à coup sorti de sa manche pour trouver une échappatoire de fin. Quant à Andreas, c'est sans doute le personnage qui m'a le moins convaincue : je l'ai trouvé félon dès sa présentation (à vouloir prendre le trône de son frère avec l'aide d'un avocat véreux ! et puis on veut nous faire croire que c'est un type bien ?) et ne suis jamais parvenue à outrepasser ce sentiment, même quand l'autrice l'a tout à coup transformé en presque-héros d'un coup de baguette magique.

Pour le reste, comme je disais, on notera quelques maladresses ou longueurs, notamment dans la relation entre Plume et Élias, qui d'une certaine façon tourne en boucle, avec à peine une petite avancée dans la 2e partie, et un revirement tellement improbable dans la 3e partie qu'on n'y croit plus. Plume en particulier n'évolue pas vraiment ; certes, elle change de rôle car tout à coup les « princes maudits » l'adoptent grâce à son don exceptionnel, mais dans le fond elle reste cette gamine capricieuse qui n'en fait qu'à sa tête, sans même envisager les conséquences…
Mais ce qui m'a le plus gênée, c'est cette allusion en dents de scie à la magie… Tout ce qui touche à la « mystérieuse toile » (ceci n'est pas un spoil, puisque c'est présenté ainsi dans le synopsis !) est vraiment bien trouvé et intelligemment exploité – oui, oui, j'ai vraiment trouvé des points positifs à ce livre ! Malheureusement, l'autrice casse ses propres effets en intervenant en tant qu'autrice dans l'histoire même. Je me réfère là à l'espèce de mini-prologue qui ouvre la partie II, puis idem pour la partie III : sérieusement, à quoi servent-ils ? L'effet de surprise du retournement de situation survenu la page précédente est complètement piétiné par l'autrice elle-même, qui vient cajoler le lecteur potentiellement dérouté en lui disant un truc du genre « t'inquiète pas, ce n'est que moi »… et au lieu de me précipiter sur la suite pour savoir ce qui s'était réellement passé, et peut-être accrocher à la suite avec avidité, je me suis retrouvée à me demander « mais avec quoi elle vient maintenant ? ». Ce n'est sans doute pas la seule raison pour laquelle j'ai eu tant de mal à accrocher aux premiers chapitres de cette 2e partie, mais ça n'a pas aidé à la transition, contrairement à ce que l'autrice espérait sans doute, avec ce blabla. Parfois, il vaut mieux une coupure bien nette qu'un piètre pansement…

Toujours dans le contexte de la magie, j'ai eu beaucoup de mal avec nos chères « gargognes ». L'univers n'était-il déjà pas assez noir et glauque, fallait-il vraiment ajouter ces êtres monstrueux ? Si leur présence trouve effectivement une logique selon l'histoire que propose Laure Dargelos, je continue de penser qu'elles n'étaient pas absolument nécessaires (depuis quand une dictature a-t-elle besoin de justifier ses interdits ?) et qu'elles n'apportent pas grand-chose à l'histoire ; pire : elles participent à l'allonger inutilement, tout en servant à peine l'intrigue principale… mais même ainsi : l'autrice a largement montré qu'elle a suffisamment d'imagination, elle aurait sans aucun doute pu débloquer certaines situations, dans lesquelles elle a fait appel à ses gargognes, en utilisant d'autres subterfuges…

Pour conclure, je ne peux donc que répéter que je suis déçue de ce livre, qui paraissait pourtant prometteur rien que par la couverture. L'écriture fluide et plaisant de l'autrice laisse entrevoir tout son potentiel, dans un univers bien amené mais beaucoup trop manichéen à mon goût. Mais je n'ai ressenti aucun attachement envers les personnages, qui vont de revirement en revirement trop radicaux pour qu'on puisse les suivre, sans même parler du fait que l'héroïne m'a paru agaçante du début à la fin ! Ajoutons à ça quelques maladresses et/ou longueurs inutiles, ou les effets de surprise cassés par l'autrice elle-même, et la boucle est bouclée. Je lirai sans aucun doute l'autre livre que j'ai dans ma PAL, mais je ne garderai définitivement pas un souvenir inoubliable de celui-ci !
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