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Gilles Sauvac est un pianiste qui nage. S'il a commencé le piano dès l'enfance et s'est astreint à une discipline de fer, se donnant corps et âme pour cet instrument et franchissant rapidement les paliers qui l'ont conduit à devenir un concertiste de renom, il s'est mis beaucoup plus tard à la natation, mais petit à petit, il s'est imposé la même rigueur et la même discipline que pour la musique.
Si bien que son corps est devenu plus athlétique, si bien qu'il ne peut quasiment plus se passer de son rendez-vous quotidien avec la piscine chlorée, aux longueurs qu'il avale avec une sorte d'addiction.
À part ça? «Gilles menait une existence douillette, plutôt enviable, propriétaire qu'il était d'un superbe trois-pièces au dernier étage d'un immeuble haussmannien avec terrasse fleurie de lilas et vue sur les Buttes-Chaumont». Dans la presse, on apprend en outre qu'il a quelques amis, dont un écrivain, et qu'il partage «la vie d'une chanteuse lyrique brune et splendide, haute comme le ciel, à l'esprit vif et effronté, prénommée Clara». Mais bien vite le lecteur va se rendre compte qu'il n'a guère envie de s'investir dans cette relation, que son travail prend toute la place.
Il est «dans» le Concerto pour piano en la mineur opus 54 de Robert Schumann. Mieux même, il est dans la peau du créateur. Parce qu'il veut tout savoir de la genèse de l'oeuvre, de l'état d'esprit du compositeur, de sa vie pour pouvoir se fondre en lui.
Si au fil des répétitions il maîtrise de mieux en mieux l'oeuvre, c'est qu'il converse avec celui qu'il appelle familièrement Bobby et n'hésite pas à l'interpeller sur tel aspect, à creuser sa psychologie. le mimétisme devient troublant. Est-ce d'ailleurs vraiment un hasard si la femme de Schumann, qui a créé l'oeuvre à Dresde la 4 décembre 1845 s'appelait Clara?
Que leurs relations se dégradent et que, en plein concert, son majeur droit le fasse atrocement souffrir? le compositeur allemand souffrait aussi douleurs rhumatismales et de lombalgie. Après avoir cherché sans succès un remède à son mal, Gilles va déprimer, retrouvant cette fois encore les symptômes de la «maladie de Schumann».
Ses biographes racontent que le 27 février 1854, jour de carnaval, il sort de chez lui en pantoufles, et, après avoir traversé Düsseldorf sous la pluie, se jette dans le Rhin. Deux bateliers vont alors le repêcher et le ramener à son domicile.
Est-ce-en pensant à celui dont l'oeuvre hante ses jours que Gilles pense à se jeter dans la Seine?
Ségolène Dargnies nous propose une interprétation toute en délicatesse du thème de l'appropriation d'une oeuvre par son interprète. Elle le fait piano ostinato, par petites touches répétées, en suggérant les choses. Mais sa petite musique ne vous lâche plus. À tel point que l'on se sent un peu en manque, en refermant le livre.

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Gilles est un homme qui nage. Crawl, brasse, papillon. Et pourtant, il y a peu, Gilles n'aimait pas nager. Mais alors pas du tout ! Surtout dans une piscine municipale et, encore moins, tôt le matin.
Mais là, il s'applique, allonge son corps, goûte la caresse de l'eau sur sa peau et le silence sourd qui semble l'envelopper lorsqu'il nage sous l'eau.
Non, Gilles Sauvac n'est pas sportif. Il est musicien, musicien professionnel, connu et reconnu sur la place publique. Un gars sérieux qui a toujours tout bien fait comme il faut, depuis qu'il est petit et sans jamais protester. Devant son piano, nuit et jour, jour et nuit. Parce que la musique, ça se travaille, tous les jours, sans relâche.
« Il bouffait du Mozart à longueur de journée, tutoyait Brahms et Scarlatti, déchiffrait les concertos de Rachmaninov l'air de rien, s'avalait les Études transcendantales de Liszt en sirotant un soda glacé, se reposait le dimanche avec Gaspard de la nuit en doublant le tempo. »
Le genre de musicien à arriver plusieurs heures à l'avance dans la salle où il doit donner un concert pour vérifier l'emplacement de l'instrument, la hauteur du tabouret, la température de la salle. Un repas léger et hop, on est prêt pour le concert…
Tout a toujours roulé. Il suffit d'être un tant soit peu discipliné, n'est ce pas ?
Mais un jour, tandis qu'il joue le concerto en la mineur de Schumann devant une salle comble, quelque chose coince, une douleur insoutenable se fait ressentir. C'est la catastrophe. Et tout est remis en question…
Alors, tandis qu'il nage inlassablement, Gilles s'adresse en pensée à Schumann qui a vécu lui aussi une forme de paralysie de la main, allant jusqu'à ne plus pouvoir jouer avec certains doigts ! Il s'adresse à celui qui comme lui a souffert et a connu le pire que puisse connaître un musicien.
Quand le corps parle, dit le trop plein, l'impossibilité de continuer, quand le corps dit STOP et nous supplie de passer à autre chose, d'arrêter, de refuser ce que l'on a toujours accepté même à contre- coeur...
Piano Ostinato évoque la lente et inconsciente plongée d'un homme qui n'a jamais dit non et qui s'est cru heureux. « Ah non ça je ne le ferai pas. Ah non plutôt crever ! » avait-il dit à son agent qui lui demandait toujours plus... Plutôt crever…
J'ai beaucoup aimé l'écriture sensible et délicate de ce roman, les longues phrases qui miment les larges mouvements de Gilles dans la piscine, l'ironie légère que l'on sent poindre ici et là, les judicieux jeux de points de vue à travers les passages du « il » au « je ». J'ai trouvé aussi très touchant ce parallélisme entre les deux vies, celle de Gilles et de Schumann qu'il appelle Robert, puis Bobby, tellement il se sent proche de celui qui est devenu un frère de coeur et de condition. « Herr Schumann, qu'es-tu parti chercher dans ces eaux troubles ? » demande-t-il à l'homme génial qui a voulu mettre fin à ses jours…
Je ne vous cache pas que j'attends déjà avec impatience le prochain roman de Ségolène Dargnies. Ses premiers pas en littérature sont plus que prometteurs et à mon avis, on n'a pas fini d'entendre parler d'elle...
Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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Dès l'aube, Gilles nage dans l'eau d'une piscine municipale. Voilà des mois que cela dure. Un rituel nécessaire, précieux. Une eau apaisante et purificatrice qui le porte tout entier et a apporté à son corps si lourd à son esprit si encombré de la légèreté de l'espace. Ses mouvements ont pris de l'ampleur, il a trouvé la cadence, la bonne mesure, le tempo idéal. Nager a transformé son corps, ses pensées, sa vie. Lui a ouvert de nouvelles perspectives, a fait tomber des murs, a insuflé du temps et du sens.

Gilles est un pianiste de renom. Depuis sa petite enfance, il travaille avec discipline et rigueur. Aucune fantaisie, pas d'improvisation. Application sérieux précision. Élégance perception exaltation. Une existence emplie de sa seule passion. Vivre à ses côtés est compliqué tant il est accaparé par son piano. Les amis passent et se lassent, comme Clara sa compagne.

Quand on lui propose de jouer le Concerto en la mineur de Robert Schumann dans une grande salle parisienne en début d'année, il s'investit totalement. Comme toujours. Il est seul avec Schumann, qu'il appelle familièrement Bobby. Se glisse dans sa vie, presque dans sa peau. Il s'imprègne, il absorbe tout. La préparation est longue et intense mais le jour du concert, Gilles est prêt et confiant.

Seulement, ce soir-là son corps lâche. Une douleur vive irradie à l'intérieur de son majeur droit. Dans la salle, personne ne le remarque. Gilles poursuit le concert malgré la brûlure. Mais après ça, plus rien ne sera pareil. Souffrance physique, rééducation, mélancolie, dépression jusqu'à ce que l'eau le révèle, la nage le réveille.

Un roman bref et saisissant à l'écriture fougueuse et pénétrante. L'histoire d'un homme qui consent à plier plutôt que rompre, en s'accordant autrement avec la musique.
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Le héros du roman, Piano ostinato, de Ségolène Dargnies est un pianiste virtuose qui (on vous laisse découvrir pourquoi) se met tout à coup à la natation. Alors leçon de piano … ou leçon de natation ?
À moins qu'il ne s'agisse tout simplement d'une leçon d'écriture, car cette auteure prend place dans le peloton de tête de ces écrivains franco-français (et même ici, une franco-parisienne) qui brodent la virgule, tricotent le vocabulaire, se lâchent dans les tournures, budget illimité dans les effets spéciaux, en route vers les prix qu'on court.
Au fil des pages, on ne sait plus trop si l'on est agacé par ces plumes arrogantes et ostentatoires ou bien si l'on est fasciné par ces virtuoses de notre belle langue qui jouent du clavier azerty … comme d'autres du piano.
En musique, l'ostinato est un procédé de composition qui consiste à répéter obstinément une formule rythmique. C'est donc évidemment cette même partition que Ségolène Dargnies va nous jouer à son clavier. La construction des phrases tout comme celle des chapitres relèvent de cet exercice rythmique.
De gamme en accord, on découvre le travail du pianiste Gilles qui s'est attaqué à un monument du répertoire, le Concerto de Robert Schumann. Un travail patient et acharné qui relève du mimétisme et qui exige de s'approcher au plus près de l'esprit du compositeur, de s'approprier quasiment sa vie, de se confondre avec lui, jusqu'au point de ...
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Piano ostinato est un très joli roman, qui se lit d'une traite. L'histoire est poétique. On suit l'histoire de Gilles et sa reconstruction laborieuse en peinant avec lui dans les travées de la piscine. N'ayant pas de culture musicale, j'ai découvert la vie de Robert Schumann, qui fait écho à celle du héros. L'histoire et les atermoiements de Gilles se suivent avec délectation.
L'écriture toute en longues phrases évoque les longueurs dans le grand bassin ; les changements de narrateur, les pincées d'humour, de jolies formulations et de belles trouvailles, ce livre est une vraie réussite.
Piano ostinato est une gourmandise acidulée dont on se délecte.
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Le roman raconte comment le pianiste concertiste Gilles Sauvac cède à une paralysie de la main en pleine représentation d'un morceau de Schumann. Ironique et implacable, l'histoire se répète, la vie de Gilles Sauvac reflétant celle du compositeur atteint de paralysie précoce. Va-t'il sombrer dans la folie comme son célèbre prédécesseur ?

En musique, l'ostinato désigne la répétition d'une formule tout le long d'un morceau. le roman raconte avec justesse les efforts que fait Gilles Sauvac pour s'affranchir de cette répétition, pour se soustraire à la force d'attraction de l'éternel retour. le faux accord devient alors la clef de la composition harmonique vitale :

“Fatalement, il fallait bien que je déraille. Fatalement, pour trouver le bon tempo, il faut être offbeat à un moment où à un autre [...]. Il faut des trouées, des chutes, des déséquilibres, il faut des silences et des points morts [...]. Il faut bien manquer de se noyer ici ou là, ne serait-ce que pour se souvenir combien est rare et bon l'air qu'on respire, non ?”

Bluffée par cette partition de génie qui fait de la disharmonie le nec plus ultra de la musique moderne, je suis à deux doigts de me lever de ma chaise et de me laisser emporter par les bravos, bravissimos !
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