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Critique de NMTB


NMTB
20 décembre 2014
« La propriété c'est le vol », telle est l'epigraphe qu'on aurait pu attendre de ce livre, cependant Georges Darien a préféré citer La Fontaine, qui à défaut d'être le plus moralisateur des fabulistes est au moins le plus fabulateur des moralistes. Et finalement cela convient très bien à cette affabulation immoraliste qu'est « le voleur ». Mais d'abord, sur la forme. Randal, le narrateur, utilise un présent perpétuel et instantané assez déroutant, c'est-à-dire qu'il raconte tous les évènements au présent, même ceux de sa tendre enfance, ce qui provoque des ruptures spatio-temporelles pour le moins brutales puisque la plus grande partie du récit se passe durant son âge adulte. Ces ruptures continuent tout le long du roman pour suivre l'action au plus près et sont soulignées parfois avec humour. Autre chose de presque permanent, c'est l'humour. Autant dire qu'on n'éclate pas non plus de rire, car c'est un humour grinçant, mélange d'ironie amère et de cynisme. S'il fait sourire au début, à partir du moment où l'on se fait soi-même railler - et ce moment arrive fatalement car Darien tape sur tout ce qui bouge - on commence alors à rire jaune… à moins d'être l'un de ces « bourgeois satisfaits », c'est-à-dire aveuglé par l'orgueil, comme le sont les maris constamment moqués dans les comédies de boulevard. Comédies qui sont l'une des références principales du « Voleur ». En effet, on a notre lot de maris trompés, de cocottes écervelées, d'hommes se cachant derrière les rideaux et de situations grotesques. Mais, malgré tout, cette comédie boulevardière a des airs de tragédie stupide. Georges Darien écrit dans l'avant-propos qu'il a volé le manuscrit du « Voleur » à Georges Randal, un homme devenu voleur parce que son oncle l'a volé. D'entrée de jeu, cette mise en abyme éclaire ou obscurcit le reste du roman. Il ne sera plus question que de dénigrer la société et de faire l'apologie des voleurs, ou de faire l'apologie de l'individualisme et de dénigrer les propriétaires. le problème étant que les propriétaires sont pour Randal des voleurs, des voleurs légaux qui se protègent derrière le sacro-saint Code Pénal, mais des voleurs quand même. D'autre part, à plusieurs reprises, Darien essaye de démontrer que le voleur est le rouage essentiel de la société, ou du moins qu'il lui est utile… Peu importe les théories fumeuses, car c'est avant tout une satire de la société dans son ensemble et pour la dénoncer Randal fait une caricature acerbe des bourgeois, des curés, des journalistes, des mouchards, des juges, des politiciens, des socialistes, des anarchistes et de tous les résignés. Tous, même les voleurs, passent sous la moulinette de son sarcasme. Randal ne dit donc rien de positif ? Si, il prône, principalement à travers les membres de la famille Voisin, la vie au jour le jour sans se préoccuper du passé, ni s'inquiéter de l'avenir, de faire fi de la morale, de laisser libre cours à ses passions et de libérer son individualité. Cependant son individualisme à lui est empêtré dans la société et il n'a en rien réglé ce dilemme ; il déteste les bourgeois, mais il est comme eux : « j'aime l'argent, je n'aime que ça ». Il fustige la résignation moutonnière : « c'est comme si le cri de révolte, douloureux et rare, faisait place à un ricanement facile et général », alors que c'est le plus ricaneur de tous. Il se moque du sentimentalisme et pourtant regrette d'être incapable d'aimer, etc… Les contradictions grossières, les paradoxes énormes, l'absurdité irrésolue, voilà ce qui me semble faire l'intérêt de « ce récit où frémit la douleur d'être, où fredonne la bêtise de l'existence ».
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