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Critique de ODP31


Après le syndrome et le virus, le rapport. Ils sont partout.
Point de chinoiseries entre nous, Tugdual Laugier, le héros du premier roman de Pierre Darkanian, est un insupportable crétin. Il collectionne les tares comme d'autres les fèves des galettes. Une fréquentation à avoir pour se rassurer quand on doute de soi, un champion toutes catégories dans un dîner de cons.
Un égo démesuré inversement proportionnel à ses compétences, qui se trouve conforté quand le jeune homme est recruté par un cabinet conseil international avec un salaire de 7000 euros par mois. C'est cher payé ramené aux neurones. Pour ce premier job, une seule exigence : la plus stricte confidentialité. Une consigne qui n'est pas trop difficile à suivre puisque durant trois ans, aucune mission ne lui est confiée. Il ne croise presque aucun collègue dans des locaux désespérément vides et occupe son temps à ne rien faire avec une certaine efficacité. La motivation initiale s'étiole peu à peu et Tugdual occupe le vide de ses journées en répétant sans cesse qu'il est débordé, mantra bien connu autour des machines à café. Sa principale occupation concerne le choix du restaurant pour le déjeuner et à rabaisser son épouse aimante. Tugdual prend du poids et la grosse tête le jour où un associé de la société lui confie enfin une mission : rédiger un rapport à destination d'un gros client qui se trouve être chinois et désireux d'investir en France.
Le péroreur Tugdual Laugier va pondre un document de 1084 pages qui compile des copiés-collés d'articles du net et des banalités consternantes. Fier de son oeuvre, héritier mégalo de Bouvard et Pécuchet, Tugdual se voit arriver au sommet. Ce rapport devient une gorgone qui ne transforme pas ceux qui l'ouvrent en statue de pierre, mais qui provoque des lésions irréversibles de la raison. La bêtise tue.
Dans ce roman, le lecteur n'attend qu'une chose : la chute du héros. Elle ne manque pas d'arriver, au-delà de toutes ses espérances les plus cruelles. Et si l'activité de ce cabinet n'était que le paravent d'une arnaque financière gigantesque ? La police va s'en mêler et le héros s'emmêler.
Ce roman très drôle est une preuve par l'absurde de l'artificialité de certains métiers et de celui de consultant en tout genre en particulier. Brasseurs d'idées toutes faites dans de jolies présentations énumérant des platitudes pré-cuisinées qui flattent les clients pour leur esprit innovant.
C'est aussi un questionnement beaucoup plus sérieux sur le vide de l'existence et la prédominance de la forme sur le fond qui guide la vie en société.
L'histoire se déroule en 2008 et cela ne relève pas du hasard avec la crise des subprimes et l'affaire Madoff. L'art de spéculer sur du néant aurait inspiré Kafka. Toute chose n'étant pas égale par ailleurs, ce roman n'a pas la force littéraire de l'auteur du Château ou du Procès. L'épouse un peu nunuche de Tugdual aurait mérité un meilleur traitement, la première partie consacrée à l'inactivité du héros traîne comme ses journées, en longueur et langueurs, mais j'ai beaucoup souri aux bouffonneries de ce personnage avec une mention spéciale pour Relot, l'associé bien perché qui ne parle de lui qu'à la troisième personne.
L'histoire a une fin mais la bêtise de Tigdual est éternelle. Un dénouement très réussi qui souligne que l'homme est incorrigible. Condoléances aux coachs. L'absence de morale est sauve.

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