Dans la vallée et au village, la communauté des habitants est comme une forêt dans laquelle chaque maison est une souche. Ici, lorsqu'on dit maison, casa ou ostau, il faut entendre la maisonnée avec les êtres et les biens qui la composent. Qu'ils soit soit issu de la maison-souche ou qu'il la rejoigne, chacun est une branche. Il en porte le nom et lui apporte sa force.
Je me suis dit alors que, nous les femmes, nous grandissons par étapes. Nous nous déplions, nous nous déroulons comme le font les fougères qui font leur croissance vers le soleil et la lumière. Nous nous élevons, saison de vie après saison de vie, depuis l'enfance jusqu'à devenir plusieurs femmes successives. Cet épanouissement irrésistible qui nous met debout avec autant de force est sans doute ce qui fait peur aux hommes. Cela peut expliquer pourquoi, partout où ils le peuvent, les hommes font tout pour garder les femmes pliées.
Je me suis endormie sur cette idée que je n'aurais jamais pu être fière de ma vie si elle était seulement remplie du quotidien que nous offrait notre monde.
Chaque femme, c'est qu'un enfant grandit tout au long de son corps, le nez à ses genoux, puis à son ventre, puis à ses seins, puis à la lumière, par-dessus ses épaules. Mon cœur savait que la vraie mise au monde viendrait lorsque cet enfant devrait partir