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Critique de Aline1102


John Petersen, un professeur Danois menant une vie des plus ordinaires, a décidé de se lancer dans un véritable pèlerinage sur les traces de son écrivain préféré, Ernest Hemingway. Veuf depuis près d'un an, John s'habitue mal à la solitude et décide de réaliser son vieux rêve : partir à Key West et visiter les endroits où Hemingway a laissé sa trace.
La chaleur et le décalage horaire ont déjà mis la résistance de John à rude épreuve, mais c'est la déshydratation qui provoque le malaise dont le touriste danois est victime. Alors qu'il se recueille sur la tombe de Sloppy Joe, au cimetière de Key West, John s'évanouit. Un vieil homme qui visitait la tombe de son épouse lui vient alors en aide. Il dit s'appeler Carlos et est originaire de Cuba.
Au fil de leurs rencontres, John en apprend plus sur Carlos. Ce dernier finit par demander un service à son nouvel ami européen : transmettre une lettre à sa fille, Carla, qui vit à Cuba et avec laquelle il n'a plus eu de contact depuis près de vingt ans. Après tout, John est un touriste, il parle espagnol et souhaite visiter les lieux chers à Hemingway (qui a vécu à Cuba) ; toutes ses raisons font de lui l'homme idéal, celui qui ne sera pas repéré par la police secrète qui surveille le mari de Clara. John accepte.
C'est alors qu'un homme se présentant sous le nom de Dylan Thomas contacte John à son tour. Il dit appartenir à la CIA et demande à John de profiter de son séjour à Cuba pour contacter Hector, le mari de Clara. La CIA souhaite en effet qu'Hector les rejoigne lorsque Fidel Castro mourra, ce qui ne saurait tarder vu l'état de santé du vieux dictateur.


" Tout a commencé au cimetière. Pas n'importe quel cimetière, un cimetière poussiéreux où régnait une chaleur torride, tout aussi désordonné que le reste des Etats-Unis. Je ne sais pas ce que j'avais imaginé. Après avoir vu des milliers de films ou de séries télévisées, nous sommes nombreux à croire tout connaître des Etats-Unis. J'avais quarante ans révolus et je n'avais jamais mis les pieds sur le sol américain, mais d'une certaine manière, le pays était reconnaissable. Et différent malgré tout. La télé et le cinéma nous trompent en nous montrant juste une dimension plate, qui n'intègre pas la chaleur, la poussière, les sons et les odeurs, ni surtout la diversité des êtres humains. "

C'est donc ainsi que commence l'histoire. Et le ton du roman est donné. John Petersen observe ce qui l'entoure, mais ne donne pas l'impression de participer aux événements. Plusieurs fois, il réfléchit à sa vie passée et il remarque à quel point celle-ci semble banale, terne et grise :

" On voudrait faire tant de choses, étant jeune, mais soudain, on se réveille et l'on a quarante ans, et le temps a fondu comme la neige sous le soleil printanier. "

Et pourtant, John ne donne pas l'impression de vouloir y changer grand chose. Cette vie toute simple lui convient et, au fil de l'histoire, on se rend compte qu'elle est en accord avec sa personnalité. John est lui-même un homme simple, qui se contente des petits plaisirs que la vie lui a offert. Il ne recherche pas l'aventure, même s'il l'accepte volontiers lorsqu'elle vient le chercher, de façon à tester un autre mode de vie.

La chaleur torride est mentionnée d'entrée de jeu. Cette chaleur est omniprésente durant tout le récit ; elle enferme Key West et Cuba dans une capsule de soleil et de luminosité qui blesse les yeux et parfois l'âme. La chaleur contraste avec le mal du pays de John, avec ses souvenirs du Danemark. John nous parle de la vue qu'il avait sur le fjord depuis la fenêtre de la chambre de son enfance. Il évoque ces matins où il fait si froid que le simple fait de respirer devient douloureux. Il nous fait sentir, avec lui, l'odeur d'un bon feu de bois.

" Je me sentais bien, mais quelque chose commençait à me ronger. Je me disais que je ne pourrais guère supporter de vivre sous les tropiques, pas tant à cause de la chaleur et de l'uniformité du climat, avec pour seules variations celles du soleil, de la chaleur et du vent. D'effrayants ouragans se déchaînaient périodiquement, ils balayaient l'île en écrasant tout sur leur passage. Je ne pourrais pas me passer du changement des saisons. le froid et la première âpre tempête de l'automne, qui faisait écumer la mer du Nord et qui rongeait les falaises, me manqueraient. Rien qu'à la pensée de l'automne, j'avais la nostalgie de la fumée odorante d'un feu de bois. "

L'action se déroule lentement et il faut attendre la moitié du livre pour que le roman commence à devenir ce polar que l'éditeur nous annonce. John observe et apprend. On observe avec lui. On rencontre des gens, on explore des lieux nouveaux. On réfléchit. Et petit à petit, on commence à suivre John partout où il va. le fait de suivre d'aussi près le cheminement de ses pensées nous le rend familier. Son pèlerinage à la recherche d'Hemingway devient le nôtre. Les missions qu'il accepte de remplir pour Carlos et Dylan Thomas également.

Pourtant, alors que John s'investit de plus en plus dans sa mission, des questions commencent à faire surface dans sa conscience. Mais pas dans la nôtre. Car le récit est toujours relaté d'un ton si tranquille, malgré l'intervention de la police secrète cubaine, que l'on n'a pas l'impression de lire un polar. Plutôt les mésaventures d'un touriste danois au pays de Castro. le rythme de l'histoire n'est pas celui d'un roman policier et empêche donc de se sentir happé par le mystère qui entoure l'aventure de John : pourquoi le suit-on, qui le suit, comment va-t-il prendre contact avec Clara ? Autant de questions dont on ne se soucie pas vraiment d'avoir la réponse. On ne souhaite pas connaître l'identité des coupables des quelques incidents qui jalonnent la route de John. On veut juste continuer le bout de chemin que l'on a commencé avec de Danois si paisible qui cherchait à enfuir son deuil récent sous une multitude d'aventures inhabituelles. Pour oublier sa douleur et sa solitude.

Je retiendrai de ce polar un sentiment de grande paix et de sérénité. Même si John se pose des questions sur son passé et son avenir, même s'il paraît très malheureux depuis son veuvage, il semble être un homme équilibré et apporte une dimension "normale" au récit. C'est ce qui manque dans beaucoup de polars actuels : un (anti ?) héros normal, un Monsieur tout le monde qui se retrouve, bien malgré lui, emporté dans une série d'événements auxquels il ne s'attendait pas.
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