AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de DragonLyre


Réfugiée sur une plage de sable blanc, l'humanité – ou du moins ce qu'il en reste – a abandonné toutes ses couleurs. Dans une cité plus pâle que la mort, leur nourriture et maison recouvertes d'une couche d'argile claire, la vie oscille entre le noir et le blanc, seule protection contre les lézards monstrueux qui les guettent à l'extérieur et qui perçoivent toutes les couleurs sauf celles-ci. Pour rester invisible aux yeux du prédateur, les survivants ont adopté une conduite eugénique, où l'on sacrifie les nouveau-nés qui auraient ne serait-ce que des iris bleus ou verts. Cette lutte constante a même amené la population à verser dans la superstition. La couleur est contagieuse et si un habitant a été à son contact de quelque manière que ce soit, le groupe n'hésitera pas à procéder à son exécution.

Première victime du système, Kroma a grandi à l'écart des autres dans une cellule sans source de lumière. Exhibée une fois par an, elle sert alors d'exutoire à la population sous le simple prétexte qu'elle serait la fille du Roi des Couleurs, supposé responsable de leur situation actuelle. Sous la coupe de son maître qui semble tirer les ficelles de leur civilisation, le jeune Zet en vient malgré tout à remettre en cause cet état de fait. Ses questions dérangent sans qu'il ne baisse les bras. Il mettra son courage et sa foi à l'épreuve pour comprendre qui est Kroma et soupeser la nécessité de la garder ainsi prisonnière.

J'ai trouvé cette bande-dessinée originale, et ce n'est pourtant pas un qualificatif que j'utilise facilement. Cette idée de prédateur incapable de percevoir le noir et le blanc est brillante et exploitée ici sans concession. La violence s'impose parfois en une fraction de seconde, transcrivant à merveille le caractère impitoyable de cet univers. La quête de Kroma nous est également narrée avec une grande intelligence, oscillant entre adversité et sensibilité, soumission et révolte, pour mieux dépeindre les dilemmes auxquels elle est soumise par la force des choses, ainsi que les rencontres que son périple l'amène à faire. le dessin se rapproche du style semi-réaliste, expressif et détaillé, tout en gardant l'âme des comics. Les décors et la faune sont grandioses, sublimés par cette mise en couleurs si particulière qui tranche entre gris et teintes flamboyantes, parfois dans la même case.

Le récit est riche, offrant à travers des personnages secondaires plusieurs trames narratives qui se recoupent pour guider Kroma vers la vérité. Un petit regret du côté des Makkas ; curieuse comme je suis, j'aurais aimé en apprendre davantage sur la politique et la hiérarchie de cette société pour nuancer un peu cet aspect du loup infiltré parmi des moutons. le message que cet ouvrage porte en lui n'est cependant pas en reste, puisque l'auteur nous invite à remettre en question notre façon d'aborder l'autre, de considérer la différence. Il rebondit sur ces concepts pour nous interroger sur l'éthique : les intérêts du groupe prévalent-ils sur ceux de l'individu ? La fin justifie-t-elle réellement les moyens ? Une jolie fable moderne, à la fois douce et violente, empreinte d'espoir et de mélancolie, avec une morale et une esthétique qui méritent d'être relayées !
Lien : https://dragonlyre.wordpress..
Commenter  J’apprécie          60



Ont apprécié cette critique (6)voir plus




{* *}