Sous mes pieds défilent les barrios de Medellín. La cabine du métro cable ne s'arrête pas mais dévoile la misère et l'exclusion. Ressurgissent alors ces sentiments intenses apparus à la lecture, quelques jours auparavant, de
la manche, premier roman de Max de Paz édité par Gallimard.
🔥 L'urgence avant tout.
A écrire sur ce sujet brûlant pour
Max de Paz, jeune auteur parisien au style tranchant, aux mots vifs.
A vivre. Crucialement. Pour le narrateur sans prénom, paradoxalement anonyme et proche. Très vite attachant. Un jeune homme sans abri, qui se retrouve à la rue dans un enchainement de faits, de délitement familial. Urgence à survivre, à faire malgré lui
La manche.
📔“Je le sais, moi, que l'aumône est un tunnel infini, un cycle infernal où
la manche d'aujourd'hui cultive celle de demain. Mais il se trouve que je crève la dalle. J'ai faim, j'ai froid, je suis seul.”
🔥 L'immédiateté de la situation, l'irréversibilité.
A quel moment bascule-t-on ? Où se situe le point de rupture ?
📔"Souviens toi de la première fois que tu t'es assis sur le sol : t'as regardé à droite, à gauche, tu t'es dit “c'est temporaire” alors que c'était déjà la fin”
🔥 L'impuissance, la honte, la colère.
Celles du narrateur et de ses amis, Tamás, Moussa et Elise, compagnons de rue, livrés eux aussi à
La manche. Parfois avec colère, invectivant les passants d'un “lâche une pièce” ; souvent avec décence, si bien rendue à ces hommes par
Max de Paz. Toujours avec conscience face aux regards des passants.
📔“Moi je trouve que la lucidité nous rachète un peu de dignité”
Ma propre impuissance aussi, ma propre saleté, tant l'écrit de Max de Paz éveille en moi l'injustice criante de nos sociétés. Mon incapacité à prendre la mesure de cette détresse, ma propre honte à ne pas avoir toujours compris, détecter, aider.
Après avoir dévoré cet écrit et libéré un excès d'émotions dans un final que
Max de Paz choisit de rendre poétique, tendre et plein d'humour, j'ai hésité pendant plusieurs jours à poser des mots sur le blanc de mon écran. La réalité de ces barrios me délie la main.
La manche est un roman si dérangeant qu'il est urgent de le lire.