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Critique de Kirzy


Une narratrice, V. . Son « je » pour dire la mort de la mère. Déjà lu. Certes. Mais là où ce premier roman impressionne, c'est par la profondeur du traitement de ce thème, juste par la grâce d'une écriture enthousiasmante qui transcende la petite chose intimiste.

Virginie Dechamplain écrit en français mais c'est comme si elle écrivait dans une autre langue, et pas uniquement parce qu'elle utilise du parler québécois. Ses mots sentent la Gaspésie, cette presqu'île sauvage où la mère de la narratrice a été retrouvée morte, suicidée. Ils sentent l'iode, les embruns, le souffle du vent, le vertige des falaises, aux confins de la poésie : «  le Saint-Laurent jusqu'à l'échine », « l'air salin comme une ligne de coke ».

Tout devient sensation, les mots percutent avec énergie et emporte le lecteur dans un vortex d'émotions dans ce roman-tempête, à l'image du ressenti de la narratrice. Pour combler le trou béant laissé par la mort de sa mère, pour lui pardonner de l'avoir abandonné aussi, elle doit se réapproprier l'histoire de sa lignée : celle de sa mère bien sûr, mais aussi celle de sa grand-mère maternelle originaire d'Islande dont elle retrouve les carnets.

«  Je suis prise dans ma grand-mère. Dans son fleuve de mots. Je suis pas capable de décrocher d'elle. de sa mémoire. de ses doigts serrés sur son stylo. du bruit qu'elle fait en écrivant quand tout le monde dort. C'est comme tourner un couteau dans le passé. Gosser ( « sculpter dans du bois » ) dans la plaie pour l'agrandir.
Je l'entends. Partout. Et soudain elle me manque, ma grand-mère. Elle me manque d'avoir pas été là. J'entends sa voix quand je lis ses mots. Sa voix que j'ai jamais entendue. Sa voix rauque, qui finit ses phrases abruptes. Rauque, mais qui chante.  Une voix du Nord un peu triste. Je file d'un cahier à l'autre, dévore les années où on s'est manquées. Comme deux trains qui se croisent à toute vitesse et font trembler la campagne alentours. »

La résilience passe par l'archéologie familiale, une très belle idée, qui apporte du romanesque à un roman très introspectif. Les souvenirs jaillissent et apaisent la colère de la perte. le texte se fait cathartique et sa lumière réchauffe, pas uniquement le coeur de V. Les larmes, après s'être écrasées avec les poings, se sèchent dans la douceur.
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