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3,77

sur 208 notes
« J'ai l'automne à l'envers. En dedans au lieu d'en dehors. Humide, tiède dans le creux des joues. Du vent qui craque dans la cage thoracique.
C'est octobre.
Ma mère est morte et j'ai pas encore pleuré. »

Voici comment s'ouvre ce roman. Comme une éclipse d'une vision qui hantera à jamais l'auteure.

Voyage introspectif dans les eaux troubles de la maternité, ses silences, ses non-dits, ses apocalypses.

Au rivage des falaises de Gaspésie au Quebec, la mère de l'auteure est retrouvée morte telle une sirène échouée. Nul doute n'est permis. C'est un suicide. V. nous livre ici un texte hypnotisant d'une mère au bord du naufrage tout le long de sa vie, une femme ayant toujours préféré partir le plus loin possible. Toujours plus loin.
Ça la rassurait, trouver le chaos ailleurs. S'assurer qu'on existe encore à l'autre bout du monde.

Ce livre, ce sont quelques bribes poétiques, toujours immergées dans l'eau des falaises. Des éclipses temporelles, des émois de femmes, de deux soeurs, de deux corps à corps. Des tentatives pour accrocher l'oxygène, gonfler ses poumons d'instantanés quand reviennent en carambole les souvenirs.

Le roman s'entrecoupe des pages manuscrites de la grand mère, au temps où elle portait son enfant, la mère de l'auteure.
On devine une souffrance intergénérationnelle, un fardeau de mère en fille, une souffrance latente.

Les larmes sont au bord du coeur, retenues dans les eaux froides de Gaspésie. On entend les fantômes murmurer les chants des défunts, on voit des sirènes couler loin des bras aimants des marins, les falaises enlèvent, réveillent, retiennent et sondent les coeurs tristes.
Les falaises au bord des lèvres pour distiller l'encens de ces amours qui jamais ne s'éteignent.

Un premier roman hypnotisant à souhait, d'une rare beauté où viennent se perdre quelques mots québécois pas toujours évidents à comprendre, un langage à la fois fort, brûlant et jeune avec ces phrases abruptes sans négation, flottant entre poésie et regards acerbes.
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Une narratrice, V. . Son « je » pour dire la mort de la mère. Déjà lu. Certes. Mais là où ce premier roman impressionne, c'est par la profondeur du traitement de ce thème, juste par la grâce d'une écriture enthousiasmante qui transcende la petite chose intimiste.

Virginie Dechamplain écrit en français mais c'est comme si elle écrivait dans une autre langue, et pas uniquement parce qu'elle utilise du parler québécois. Ses mots sentent la Gaspésie, cette presqu'île sauvage où la mère de la narratrice a été retrouvée morte, suicidée. Ils sentent l'iode, les embruns, le souffle du vent, le vertige des falaises, aux confins de la poésie : «  le Saint-Laurent jusqu'à l'échine », « l'air salin comme une ligne de coke ».

Tout devient sensation, les mots percutent avec énergie et emporte le lecteur dans un vortex d'émotions dans ce roman-tempête, à l'image du ressenti de la narratrice. Pour combler le trou béant laissé par la mort de sa mère, pour lui pardonner de l'avoir abandonné aussi, elle doit se réapproprier l'histoire de sa lignée : celle de sa mère bien sûr, mais aussi celle de sa grand-mère maternelle originaire d'Islande dont elle retrouve les carnets.

«  Je suis prise dans ma grand-mère. Dans son fleuve de mots. Je suis pas capable de décrocher d'elle. de sa mémoire. de ses doigts serrés sur son stylo. du bruit qu'elle fait en écrivant quand tout le monde dort. C'est comme tourner un couteau dans le passé. Gosser ( « sculpter dans du bois » ) dans la plaie pour l'agrandir.
Je l'entends. Partout. Et soudain elle me manque, ma grand-mère. Elle me manque d'avoir pas été là. J'entends sa voix quand je lis ses mots. Sa voix que j'ai jamais entendue. Sa voix rauque, qui finit ses phrases abruptes. Rauque, mais qui chante.  Une voix du Nord un peu triste. Je file d'un cahier à l'autre, dévore les années où on s'est manquées. Comme deux trains qui se croisent à toute vitesse et font trembler la campagne alentours. »

La résilience passe par l'archéologie familiale, une très belle idée, qui apporte du romanesque à un roman très introspectif. Les souvenirs jaillissent et apaisent la colère de la perte. le texte se fait cathartique et sa lumière réchauffe, pas uniquement le coeur de V. Les larmes, après s'être écrasées avec les poings, se sèchent dans la douceur.
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Un livre sur le temps qui passe, la transmission entre générations. La narratrice V est de retour dans la maison familiale suite au suicide de sa mère, c'est le moment de faire le ménage, mais les blessures du passé non cicatrisées réapparaissent.
Un livre qui se lit avec le ventre, avec palpitation, un premier roman qui secoue le plus intime et une fois le livre commencé, impossible de s'arrêter avant d'assembler toutes les pièces du puzzle . Les chapitres sont courts, entrecoupés d'apartés poétiques, des carnets de la grand-mère que V a retrouvé et dont elle s'est entourée. Il va falloir réapprendre à vivre, prendre son envol en se réappropriant les vertiges intérieurs, et aussi entreprendre un retour au pays natal de la grand-mère l'Islande.
Un roman puissant, hypnotisant, j'ai adorée !!!!
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La mort d'une mère, probablement un suicide, car elle est tombée dans le fleuve, du haut des falaises…

Un récit comme un journal tenu par sa fille, pour comprendre, pour se raconter, pour accepter.

La vie avec sa mère, une vie de bohème, voyageuse et psychologiquement instable, une enfance toujours au bord de l'intervention des services sociaux.

Puis le deuil, faire le ménage de la maison qu'il faut vider, faire le ménage de ses souvenirs et de son coeur qu'il faut apaiser.

Apprendre à vivre sans remords, sans culpabilité.

Et la guérison demandera de se tourner vers d'autres lieux et d'explorer d'autres falaises…

Un roman plein d'émotions, avec une écriture qui emploie le langage parlé, mais aussi une belle profondeur poétique.
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" Je cherche ma mère ma grand-mère ma galaxie de femmes. Éparpillées dans le monde, j'essaie de les retracer"...

Un premier roman d'une auteure canadienne très prenant, émouvant. Une quête difficile de la narratrice , revenue au bord du Saint-Laurent, là où sa mère s'est jetée d'une falaise. Elle reste au milieu de la maison maternelle , île -refuge, pour la vider, mais surtout pour comprendre ce vide en elle. Des souvenirs affluent, pas toujours agréables, et façonnent pour le lecteur une figure maternelle en fuite, proche de la folie, ayant laissé des traumatismes chez ses deux filles.

le texte est entrecoupé d'extraits des journaux intimes de la grand-mère, d'origine islandaise, et de courts poèmes inaugurant chaque chapitre.

Outre ces destins singuliers de femmes rebelles, apatrides, ce qui attire et retient le lecteur, c'est l'écriture. Pas vraiment les expressions canadiennes, même si elles sont savoureuses. Non, c'est l'aspect brut,sauvage, poétique qui saisit. Et provoque l'émotion. Parlant de sa soeur, elle écrit:

" Je regarde Ana. Ses yeux de feux de forêt,. de rivières qui sont sorties de leur lit. Ses cheveux toujous mêlés. Ses mains qui tremblent subtilement. Je regarde les fêlures dans sa façade. "

Il faudra un départ pour l'Islande, l'île des origines, pour, peut-être, se trouver et conjurer le passé, s'accorder douceur et apaisement... Un bien beau premier roman!
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Le nom de l'autrice de ce beau livre( a tous points de vue : Edts La Peuplade ) fait penser à "la belle province" et effectivement ce récit va des berges du St Laurent aux aurores boréales de l'Islande.
C'est un récit déjà lu avec plus ou moins de bonheur: le retour d'une jeune femme dans sa région natale après le décès de sa mère.
Ils s'agit donc de souvenirs partagés, grand-mère, mère, fille, chacune leur caractère, rebelle, aventureuse, posée. Illusions perdues, regrets, mais une attirance profonde pour les racines.
De l'émotion , une écriture fine et poétique, un premier roman réussi.
Il est à noter que le parler de la Gaspésie , à l'oreille ,nous plaît bien ,écrit, parfois il heurte un peu le déroulé de la lecture , mais c'est vraiment infime et donne du charme aux berges du St Laurent. Une bien belle lecture.
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Un roman féminin puisqu'il s'agit de retrouver les traces intimes laissées dans un cahier par la grand-mère de la narratrice alors que celle-ci revient en Gaspésie lorsque sa mère se suicide et qu'elle vide la maison.

Son aïeule évoque tout ce qu'elle n'a pas pu dire à sa fille alors qu'elle l'a portait dans son ventre, ses rêves, son présent.

Même si ce fut une lecture agréable, limpide parsemée de certains termes québécois, je ne fus pas transportée par ce roman que j'avais vu passé ici et là. Un livre sur le deuil, sur les disparitions des origines, des racines et la transmission.
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V. est-elle en train de passer à côté de sa vie ?
Des voyages avec sa mère ,bourlinguée d' aéroports en cités latino américaines ; elle en garde odeurs et rumeurs ,souffle de l'air sur la passerelle à l'arrivée…
Images fugaces, mémoire floue... vécu ou rêvé ?
Tombant sur les carnets de vie de sa grand-mère Frida, islandaise qu'elle n'a pas connue et dont sa mère n'a pas su ou voulu lui parler…Un grand-père absent pêcheur des mers froides et les hommes de sa mère en proie à maintes crises …
On flotte un peu comme dans cet étrange climat des films du jeune québécois Xavier Dolan: rencontres impromptues, nuits d' angoisse et matins embrumés …

Reçu quelques jours plus tôt via “masse critique”, Les Falaises de Virginie Dechamplain , premier roman d'une jeune autrice, primé - le roman- au Salon de Rimouski traînait sur le canapé. Éreinté par le rangement de deux stères de bois calés sous la remise ,je me chauffe un bol de soupe ,me déchausse et projette une bonne douche …
23 h Je m'éveille ….le bouquin est ouvert page 40: escalier chambre couette lunettes ; bien calé on ne lâche pas...!
Le Saint Laurent omniprésent et ce maudit vent dans la baie, les maisons de bois ,le bar de Chloé, Chloé comme celle de Boris Vian …tiens tiens !...
Des expressions comme j'en entendis naguère vers Matane ou St Jean de Cherbourg comme s'enfarger dans les bouteilles vides * ou son chum** qu'est parti sans sa blonde
Cette grand mère islandaise qui perdit un fils pêcheur , (son oncle donc) des tunes années 80 d Elton John
1h du matin :dormir ou tenir ? Un mug de thé vert arrosé d' un trait de limoncello (ça sent le bonbon…) Je poursuis ...
Rare qu' un roman me tienne ainsi ; Dalva et la Route du Retour ou encore La Lettre à Helga ,récit d'un paysan islandais, une nuit blanche d'un nouvel an dans la Hague /Cotentin.

Chloé la rousse-incrédule -en renarde improbable sur la coursive et pourtant elle y rôdait bien cette renarde .
Une pause vers l'ordinateur, interview en visio covid sur Radio Canada, mais le son est pourri... je reprends pour découvrir l' Islande où elle atterrit , dans une famille d' hôtes chaleureux et attentionnés : des pages sensibles ,un peu de douceur, d'empathie enfin…

Et ma douche ? Il est grand temps je crois ...!

Un anti “feelgood” que j' ai kiffé grave les amis/ies , un vrai style étonnant et accrocheur.
Je vais en toucher un mot à Catherine , ma libraire , et whynot ,lui proposer d' en rédiger l' accroche en quatre phrases, juste pour inciter l' indécis à se porter sur la quatrième de couve .

* s'enfarger :se prendre les pieds, trébucher.
**chum : compagnon, petit ami ou amoureux
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V. se rend en Gaspésie, au bord du fleuve Saint-Laurent, afin d'aider sa soeur et sa tante à vider la maison de sa mère qui vient de mourir noyée dans le fleuve.
Très vite, elle propose de prendre en charge seule cette tâche et se retrouve écrasée dans son isolement par les souvenirs douloureux et les découvertes qu'elle fait, sur sa mère et sa grand-mère. Elle flotte entre rêve et réalité, passé et présent, deuil et amour.

Je n'ai pas aimé cette lecture, tant à cause de l'histoire que du style.
Le récit est flou et j'ai dû parfois faire des retours en arrière pour comprendre et déclencher des images mentales.

L'histoire de cette famille, de ces trois femmes, ne m'a pas touchée et je n'en ai pas saisi la finalité.

Le style choisi par l'autrice est le langage parlé québécois au présent. Sur 200 pages, c'est lassant et j'ai très vite eu envie de retourner à une lecture plus littéraire.

Ce premier roman présente cependant des qualités appréciables: le personnage de V. est très attachant, comme d'ailleurs plusieurs personnages rencontrés au cours de l'histoire; les émotions et sentiments peu exprimés par des mots sont pourtant bien ressentis par le lecteur; le récit non linéaire, fait de flashbacks, d'extraits de journaux intimes de la grand-mère, est très bien maitrisé.

Je lui souhaite de trouver son public.
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La narratrice, V., vient d'apprendre la mort de sa mère. Elle se rend à sa maison d'enfance, au bord du fleuve Saint Laurent où s'est glissée sa mère, dans le but de vider l'habitation, mais aussi de renouer les liens distendus de cette famille matrilinéaire où les hommes ne faisaient que passer, occupés par d'autres voyages.
D'octobre à mars, nous suivons V. dans un périple d'abord immobile, découvrant les écrits de sa grand-mère, née en Islande, évoquant les souvenirs de sa mère, marquée par une grande instabilité psychologique, mais emmenant ses deux filles, V. et Anaïs aux quatre coins du monde.
Bientôt V. partira sur les traces de son ancêtre, mais elle sait déjà que ce sera pour mieux revenir.
Femmes sauvages, femmes à la fois faibles et fortes, marquées par leur amour de la nature, Virginie DeChamplain leur offre une voix poétique, ultra sensible qui parfois broie le coeur. La lettre que la grand-mère écrit à sa fille nouvelle née est parmi l'une des plus belles lettres d'amour que j'ai lue.
Un texte au plus près des corps, des émotions, de la nature, qui ne fait pas l'économie de la souffrance ,mais sans jamais tomber dans le pathos. Une langue libre qui se réinvente pour mieux dire l'amour et la mort Un texte puissant et marquant qui file sur l'étagère des indispensables.
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