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Critique de Annezzo


Est-il morose, DonDelillo avec un nom si swinguant ? Pourquoi écrit-il ? Et pourquoi je succombe à son charme alors que je déteeeeeeeste les livres qui finissent en queue de poisson… et les intrigues auxquelles on ne comprend pas grand chose. Moi qui accepte de me taper des ouvrages ou des films qui me déplaisent ou m'ennuient au premier abord, juste pour savoir où l'auteur veut en venir… DDL ne me fait même pas ce cadeau. Et pourtant, son écriture, je marche, je m'en régale.
Mon parti pris, avec lui, c'est : n'en attendons rien. Lisons avec succulence son style, suivons des gens rien qui ne font rien et parlent sans dire grand chose. Soyons éblouis par son art du vide.

Alors va pour ce Point Omega. Comme le livre est petit, il est resté mon "livre de sakamin" pendant des mois, idéal pour un long trajet en métro, une attente interminable chez le toubib ou entre deux cars. On peut le reprendre à n'importe quelle page, relire des passages, puisqu'il ne se passe pas grand chose.
On peut quand même essayer de comprendre.
Par jeu.
Par exemple, ça commence avec un gars qui se repaît du film Psychose ralenti à 2 images par seconde, dans une expo gonzebzuel du MoMa au coeur de New York. On dit "il". Il n'est pas le narrateur. L'auteur l'observe en train de s'observer en train de regarder ce film au ralenti, en train de quitter la terre et le temps, de se fondre dans les images du film de Hitchcok. Il s'observe dans son rapport inexistant avec les autres, qui passent deux secondes, deux minutes ou un peu plus, dans la salle de projection. Il s'observe face au gardien qui n'observe rien. A un moment, il observe un duo, un jeune et un homme aux cheveux blancs nattés, un peu genre maître et élève, un duo qui reste quelques cinq minutes à regarder le film au ralenti et repart solennellement.
Imaginons que DDL ait fait cette expérience. Il est allé voir cette "oeuvre", le ralenti muet du film de Hitchock, fatalement intéressé par le concept. Imaginons qu'il ait observé ce duo…
et que l'idée lui soit venue de le mettre en scène.
Comme il est taquin, c'est le jeune qui écrit "Je". J'imagine alors que DDL se soit fait plaisir en se mettant en scène en d'autre temps, jeune vidéaste conceptuel lui-même, qui veut faire une oeuvre en filmant un gars morose qui a été conseiller extérieur au Pentagone pendant la guerre des USA en Irak.

Comme à son habitude, "je" nous décrit un rien, un vide fort intéressant en plein désert, en pleine chaleur, le point Alpha où tout commence, en contraste absolu avec la trépidante New York qui serait le Point Oméga où tout finit. Les conversations entre le Maître et l'élève, je n'en ai rien retenu. J'ai par contre bien en tête leurs silences, leur oeil sur le paysage, le débouchage d'une bière et ce Rien à 35° à l'ombre de la bicoque. La fille du Maître débarque, elle est légère, fraiche. Que fait-elle là ?
A la fin du livre, on retourne dans la salle de projection du Psychose au ralenti. Et "Il", l'observateur, semble s'ouvrir en toute intimité avec une jeune fille qu'il ne voit même pas, elle est plus petite et se tient derrière lui. Son esprit s'envole, en deux trois phrases échangées il veut passer sa vie avec elle, sait qu'ils sont fait l'un pour l'autre, alors quand elle s'en va, il la rejoint au dehors et obtient son numéro de téléphone. Puis il retourne voir le film au ralenti en repayant plein pot son entrée, alors qu'il ne reste même pas une heure avant la fin de l"oeuvre", qui déménagera le lendemain vers d'autres musées gonzebzuels. Voilà voilà.
J'ai l'air comme ça de dévoiler la fin du livre, mais comme il ne se passe rien, autant dire que le dévoilement de quoi que ce soit est une vue de l'esprit. Dans le désert, le jeune homme vidéaste aperçu dans la salle Psychose, "Je", boit des bières avec l'homme aux cheveux blancs nattés qui l'accompagnait au MoMa. Puis la jeune fille débarque, "je" est attiré, et ému de découvrir combien le vieil homme est dingue de sa fifille. Est-ce qu'elle quitte le désert, son popa et "je" pour retrouver la salle de projection de Psychose ? L'écrivain a-t-il voulu donner vie à ces personnages rencontrés ou observés dans cette salle du Musée ? Façon mise en abîme.
Ou assembler deux moments de sa vie en décrivant l'observateur de Psychose au ralenti, lui-même, puis un jeune vidéaste pas très au point mais tenace, lui-même..? Pour finir par sa rencontre avec… la femme de sa vie ? Ou une rêverie pendant la séance de cinéma au ralenti…
Oui je sais c'est pas terrible, mais j'aime bien qu'il y ait un fil conducteur, alors comme DDL se contente de nous proposer ces pages, j'en fais ce que je veux, et ce que je veux, c'est qu'un livre ait un début un milieu une fin.
Voilà. Ne me remerciez pas.
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