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Critique de jvermeer


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« Je n'aime pas écrire, je ne sais que parler, même quand je n'ai rien à dire. »

Nous retrouvons tout au long des 250 lettres ce cette correspondance d'Edgar Degas la même jaillissante force, la vivacité de son trait, des ses lignes, cet humour corrosif qui pouvait le faire passer pour un méchant parfois. « Qu'est-ce que j'apprends ! s'écria-t-il un jour à une charmante femme. Vous dites partout que je ne suis pas méchant, qu'on se trompe sur mon compte ! Si vous m'ôtez çà, qu'est-ce qui me restera ? »
La plupart des lettres sont envoyées à des amis comme Henri Rouart, Ludovic Halévy, Camille Pissarro ou au marchand d'art Durant-Ruel.

Savait-on qu'Edgar Degas (De Gas pour l'état civil) avait une branche familiale américaine par sa mère qui était créole ?
En 1872, le peintre a 38 ans et est au tout début de sa longue et talentueuse carrière. le charme et l'exotisme de la Louisiane, ancienne colonie française, le fascine. Il décide donc de rendre visite à son oncle et ses deux frères à la Nouvelle-Orléans. L'oncle a fait fortune dans le coton et les assurances. Les deux jeunes frères, Achille et René, travaillent dans l'entreprise familiale avec l'oncle. L'artiste peint des portraits de famille, naturels et tendres. Il s'emporte : « Rien n'est plus difficile que les portraits de famille ! Faire asseoir une cousine pour vous alors qu'elle allaite un bébé criard de deux mois est très difficile. »
Début 1873, il peint le bureau de coton de son oncle où il va chaque jour. Cette étonnante toile que l'on peut voir au musée des Beaux-Arts à Pau se nomme « Un bureau de coton à la Nouvelle-Orléans » et montre son oncle et ses frères au travail. On est loin du mouvement impressionniste à venir deux ans plus tard et s'attache surtout à présenter la réussite des Degas dans le commerce et l'industrie textile.

Dans les lettres qu'il écrit à la Nouvelle-Orléans, l'on retrouve la verve savoureuse et l'humour étonnant du peintre que connaissent bien toutes ses relations. Ses lettres de la Louisiane sont les plus imagées de sa correspondance. J'en donne quelques extraits :

Lettre à Lorentz Frölich (peintre danois et ami de l'artiste) – Nouvelle-Orléans, le 27 novembre 1872

[…] Triste traversée ! Je ne savais pas l'anglais, je ne le sais guère plus, et il y a sur la terre anglaise, même en mer, une froideur et une méfiance de convention que vous avez peut-être tâtées déjà.
(…) Tout m'attire ici, je regarde tout. Rien ne me plaît comme les négresses de toute nuance, tenant dans leurs bras des petits blancs, si blancs, sur des maisons blanches à colonnes de bois cannelées et en jardins d'orangers, et les dames en mousselines sur le devant de leurs petites maisons, et les streamboats à deux cheminées, hautes comme des cheminées d'usines, et les marchands de fruits à boutiques pleines et bondées, et le contraste des bureaux actifs et aménagés si positivement avec cette immense force animale noire, etc. etc. Et les jolies femmes de sang pur, et les jolies quarteronnes, et les négresses si bien plantées !
Je viens de rater un grand pastel avec une certaine mortification. Je compte si j'en ai le temps rapporter quelque chose du crû, mais pour moi, pour ma chambre. On ne doit pas faire indifféremment de l'art de Paris et de la Louisiane, ça tournerait au Monde Illustré.

Lettre à Henri Rouart (peintre, industriel, et grand ami de l'artiste) – Nouvelle-Orléans, le 5 décembre 1872

[…]René (le frère d'Edgar) est dans sa famille ici, il n'a que peu le mal du pays. Sa femme est aveugle mais elle est au-dessus de son malheur. On attend le troisième enfant dont je serai le parrain et qui n'aura pas ma turlutaine.
Les femmes ici sont presque toutes jolies, et beaucoup ont même dans leurs charmes cette pointe de laideur sans laquelle point de salut. Mais je crains que leur tête ne soit aussi faible que la mienne, ce qui ferait à deux une drôle de garantie pour une nouvelle maison.
Je viens, hélas ! de lâcher quelque chose qui n'est rien et peut m'attirer une réputation atroce. Gardez-vous, Rouart, sur votre honneur, de ne jamais répéter de manière à ce que cela puisse être rapporté ici, à des personnes d'ici, ou à des personnes qui connaissent des personnes d'ici, que je vous ai dit que les femmes de la Nouvelle-Orléans paraissent faibles d'esprit ; ceci est sérieux – on ne badine pas ici. Ma mort ne laverait pas un tel affront et la Louisiane doit être respectée par tous ses enfants dont je suis à peu près un. – Si je vous disais après cela qu'elles doivent être bonnes, l'insulte serait entière et vous m'auriez, en répétant encore cela, livré définitivement à mes bourreaux.
Je blague un peu, les femmes créoles ont quelque chose qui captive. […] Il y a de la tendresse à la 18e siècle dans leur air. de ces familles, beaucoup sont venues ici en culotte courte et ce parfum ne s'est pas encore en allé.

En 1874, un an après son retour en France, Edgard Degas participera à la première exposition des peintres impressionnistes qui se déroulera dans les locaux du photographe Nadar à Paris. L'aventure impressionniste pourra commencer.

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