De Mao à Jésus

J'ai toujours pensé que lire était une activité de couture. Pas seulement parce qu'en lisant on lie les mots les uns aux autres et qu'on dénoue le sens des phrases, mais aussi parce qu'on lie le monde à ces mots, on les accroche aux choses disparates et on les relie entre elles, comme le font les araignées qui barrent les sentiers de leurs fils.
Lire est ainsi attacher ces mots à ce qui m'entoure et à ce jour qui va advenir.

Nous étions là pour faire la révolution et finalement nous avons construit des R5. C’est juste. La remarque paraît désabusée. Elle ne doit pas l’être. Au contraire. Nous sommes descendus tout en bas de la condition des ouvriers qui font l’expérience de n'être utiles qu’à produire, à voir leur vie réduite à cela. 

Et pourtant, voici qu’on entend que la Shoah est la preuve ultime de l’inexistence de Dieu. Car si Dieu existe, dit-on, il n’aurait pas permis que de telles atrocités se produisent. Argumentation absurde qui fait porter sur Dieu la responsabilité des actes humains, qui fait de Dieu l’infirmier du tyran, l’aide-soignant du méchant. Si Dieu existe il est nécessairement hors de portée de notre entendement.

L’expérience de l’usine a été fondamentale. C’est là que nous avons réellement appris et que nous avons révisé de fond en comble notre vision du monde. Nous y avons laissé notre catéchisme marxiste-léniniste, mis en pièces par la vie. Il y a une vertu évidente de la quotidienneté et du banal. La plupart du temps, pas d’éclats, pas de révoltes, pas de grèves, pas de brimades non plus. La banalité des heures, la répétition des gestes et la monotonie du travail sont les meules qui viennent moudre l’idéal.

Nombre de saints ont été, de fait, des opposants à la chrétienté.