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Critique de Marie-Nel


J'ai refermé ce livre avec énormément d'émotions. Il est très rare qu'une histoire fictive arrive à me faire verser des larmes, mais là, je n'ai pas pu faire autrement tellement j'ai été touchée et remuée dans ma chair ; je vais essayer de vous transmettre toute cette émotion ressentie dans cette chronique. 

Tout d'abord, ce roman fait partie de la très belle collection de la maison d'édition de l'Archipel, les instants suspendus, qui portent bien son nom, car il est vrai que leurs histoires sont toutes des moments suspendus dans le temps, où le lecteur s'oublie facilement. Donc, ce livre m'attirait déjà pour cela. Ensuite, lorsque j'ai lu le début du résumé, (ce que je vous conseille de faire, car je trouve qu'il en dit un tout petit peu trop sur un certain détail), et que j'ai pris connaissance du sujet, j'ai tout de suite été extrêmement intéressée. Il s'agit en effet d'une maladie invisible qui touche beaucoup de femmes et fait des ravages insidieusement, l'endométriose. Je trouve que l'on ne parle pas beaucoup d'elle, elle a longtemps été tabou, c'était même honteux pour certaines femmes. La parole se libère enfin, et de plus en plus de femmes s'expriment, et c'est tant mieux. Alors, un roman parlant de ce sujet, peu évoqué, m'a tout de suite attirée. 

J'ai donc fait la connaissance de Victoire. Elle a 28 ans, vient de vivre une grosse déception amoureuse. Elle est malade et se bat depuis quelques années contre l'endométriose, qui est à un stade évolué pour elle puisque plusieurs organes sont touchés. Elle décide de quitter Paris, elle a envie de tranquillité, de se retrouver au calme, pour ainsi faire mieux le point avec elle-même. Cette maladie l'a empêchée de devenir mère, additionné à la rupture, Victoire est en pleine dépression. Elle pense même à mettre fin à ses jours, tellement elle se sent inutile, vide et en même temps remplie par la maladie. Elle trouve donc un chalet à l'orée d'une forêt en Normandie et décide de l'acheter. Là elle va découvrir la solitude, elle va pouvoir souffrir en silence. C'est sans compter le monde extérieur qui viendra l'embêter. Tout d'abord, il y a Johann, le fils de l'ancien propriétaire du chalet, qui n'est pas au courant de la vente de la maison, et qui veut absolument continuer à se promener dans la forêt, y étant très attaché. Il est bourru, pas sympa du tout, et Victoire fait tout pour l'éviter. Et ensuite, il y a son amie Luce. Parisienne comme elle, c'est l'inverse de Victoire, elle est fêtarde, croque la vie par les deux bouts, a une vie libre avec les hommes et ne veut surtout pas s'attacher. Elle n'aime pas la campagne, mais quand, lors d'une visite chez Victoire, elle se rend compte que celle-ci est au plus mal moralement, elle décide de rester et d'aider son amie. Les envies de solitude de Victoire s'amenuisent de plus en plus. 

J'ai ainsi suivi Victoire dans sa nouvelle vie retirée. Grâce aux promenades qu'elle fait avec le chien qu'elle a adopté, elle arrivera à trouver un peu de calme, mais la maladie la ronge, l'anéantit lorsqu'elle a une crise. Elle est à bout physiquement et moralement. Je me suis très vite attachée à elle, dès les premières lignes. C'est une guerrière, une combattante, elle a une force incroyable, même si elle n'y croit pas. Je me suis énormément retrouvée en elle. J'ai moi aussi souffert de cette maladie, à un stade beaucoup moins avancé qu'elle, elle s'est soldée par une opération où on m'a enlevé l'utérus, mais j'ai connu les crises dont parle l'autrice, qui elle aussi, connait cette maladie. J'ai retrouvé aussi dans Victoire, ma maman, qui elle, était à un stade avancé comme l'héroïne, et je me suis souvenue de ces matins où elle n'arrivait pas à se lever, où elle restait au lit, terrassée elle aussi par la douleur. L'attachement à Victoire a donc été encore plus fort, vu mon parcours personnel. Comme elle, je me suis sentie laide, vide. Victoire est une battante, lorsqu'elle n'est pas en crise, elle est drôle, fantasque, a des réparties bien placées. Elle a aussi un grand coeur, elle réconforte son amie Luce, tout comme celle-ci le fait aussi avec Victoire. Et puis il y a Johann, Victoire ne veut pas tomber amoureuse, elle ne se sent plus désirable, elle veut être seule. Elle ne veut plus revivre les tromperies qu'elle a connues. 

Tout le livre tient sur ce trio formé par Victoire, Luce et Johann. J'ai aussi beaucoup aimé le personnage de Luce, qui amène de l'espièglerie, de la joie, de la bonne humeur dans le quotidien de Victoire. Et même pour moi, lectrice, les moments où elle apparaissait étaient comme des bulles de légèreté et d'insouciance. Mais il ne faut pas se fier à cette carapace, derrière bat un coeur très sensible et surtout très attaché à son amie, pour qui elle est prête à faire toutes les bêtises possible. La touche masculine est apportée ici par Johann, qui m'a plutôt énervée au début, par son comportement bourru. Très vite, on comprend que la vie ne l'a pas épargné non plus. Il va pourtant être très aidant pour Victoire, il va la bousculer, la remuer, l'obliger à se mettre debout, à lutter. Victoire peut s'appuyer sur lui, mais le pourra-t-elle tout le temps, elle a peur, ne veut plus donner sa confiance, et on la comprend aisément. Son remède à elle, c'est l'écriture. Elle écrit tous les jours dans un carnet, elle parle de sa vie d'avant, avec son premier amour, elle y parle aussi beaucoup de sa maladie, ce qui est tout à fait compréhensible. Elle se libère et pose des mots sur ses maux en écrivant. 

Je découvre Ludivine Delaune avec ce roman. J'ai beaucoup aimé son style, sa façon de décrire la vie de Victoire, de montrer ses personnages, les décors, les extérieurs. J'ai vite compris qu'elle connaissait le sujet de son livre, et cela m'a touchée encore de plus. Pour écrire un texte aussi vrai sur les crises, les sensations de douleurs, de crampes, il faut l'avoir vécu, malheureusement. Je pense qu'elle a mis beaucoup d'elle dans Victoire, et du coup, je ressens également un très grand attachement pour cette autrice. Elle m'a émue par sa grande sensibilité, son empathie, sa bienveillance. le livre est bien construit, les chapitres ne sont pas longs, cela rajoute du rythme à la lecture. Dans chacun d'eux, il y a des extraits du carnet écrit par Victoire. Et j'ai été très émue de retrouver le carnet entier à la fin du livre. La narration à la première personne fait que je me suis encore plus attachée à Victoire, je suis rentrée dans sa tête, dans son corps meurtri, j'ai ressenti ses blessures, ses maux, sa souffrance, et j'en ai été encore plus touchée. Je ne peux bien sûr rien révéler, mais il y a plusieurs moments dans le livre où les larmes ont coulé, encore plus à un certain moment où j'ai même dû arrêter ma lecture. L'autrice montre tout, ne cache rien, le bon comme le mauvais, la souffrance, la douleur, et j'ai trouvé cela tellement bien et tellement fort en même temps. 

C'est aussi une très belle histoire d'amour, et pas seulement celle que l'on croit. Il y a l'amour pour un autre être, bien sur, mais il y a surtout ici, l'amour que l'on doit se porter à soi-même, qui est même fondamental. Car s'aimer soi permet de mieux aimer les autres. C'est une chose tellement dur à faire, tout comme Victoire l'explique, on est prêt à tout changer de nous par amour alors qu'il ne faut pas, c'est aussi à l'autre de nous accepter tel que l'on est. Elle a compris aussi que l'on idéalise trop l'autre, on lui fabrique l'image que l'on voudrait lui donner, et c'est très mauvais, car on ne peut jamais rencontrer un idéal. Comme elle le dit d'ailleurs : " L'autre n'est finalement pas notre idéal, il n'est rien d'autre qu'une projection de nos propres aspirations... des qualités que l'on liste, du souhait d'être aimé." C'est une phrase tellement juste. C'est ce genre de phrases qui me poussent à la réflexion et j'aime beaucoup ça. Ce livre m'a fait réfléchir sur moi également, et j'adore quand mes lectures ont ce pouvoir là.

Mais ce livre n'est pas qu'une histoire sombre, c'est aussi un récit très lumineux, porteur d'espoir, qui fait aimer la vie. Et surtout, il m'a fait me rendre compte encore plus qu'il faut profiter du présent, profiter des gens qu'on aime, faire tout ce qu'on peut pour être heureux maintenant. J'ai trouvé la plume de Ludivine Delaune très poétique. Plus je lisais, et plus je trouvais de belles phrases à annoter. Je crois que je n'ai jamais mis autant de post-it dans un livre. Je vous mets ci-dessous quelques-unes d'entre elles, il est difficile pour moi de faire un choix, tellement chacune a son importance. 

Ce livre devrait être lu par chaque femme adulte ou jeune fille, ménopausée ou non, et aussi par les hommes. Car cette maladie est tellement insidieuse qu'il est difficile de comprendre quelqu'un qui en souffre. C'est aussi le cas pour d'autres maladies invisibles, comme la fibromyalgie ou certaines neuropathies, par exemple. Les personnes souffrent intérieurement, sans que cela se voit à l'extérieur. Et parfois, certains se permettent des jugements alors qu'ils ne savent pas le calvaire que ces malades vivent. C'est tellement important d'écouter une personne, les maladies ne se montrent pas toujours et se vivent intérieurement.. 

Je ne vous dirais rien sur la fin, bien entendu, je ne vous donnerai même pas d'indice. Je peux juste vous dire que j'en suis sortie chamboulée, que j'ai eu du mal à quitter Victoire et Luce, et qu'aujourd'hui, j'avais très envie de les retrouver et de les lire à nouveau. C'est difficile de les laisser partir tellement j'ai aimé les retrouver chaque jour dans ma lecture. C'est vraiment un très beau livre, je n'ai rien trouvé de négatif, au contraire, je crois que Victoire restera dans mon coeur et ma mémoire un moment. C'est pour cela que je vous invite sincèrement à découvrir vous aussi l'histoire de Victoire et aussi celle de Ludivine Delaune. Je suis certaine que vous en ressortirez touchés vous aussi. 

De mon côté, j'espère vivement que Ludivine Delaune écrira un nouveau roman, j'ai très envie de retrouver sa sensibilité dans une autre histoire. J'ai vu dans sa bibliographie qu'elle a écrit d'autres romans, je vais m'intéresser à eux pour pouvoir la relire à nouveau. J'espère en tout cas la retrouver dans cette très belle collection des instants Suspendus. 
Lien : http://marienel-lit.over-blo..
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