J’écris…
J’écris non pas sous le soleil trop dur, le remuement des hommes
Mais à cette heure d’ombre, de solitude, sur les trottoirs d’hiver,
J’habite à la frontière entre l’intraduisible et la clarté.
[…] un chant qui vient de moi et ne vient pas de moi,
m’assaille, obsède et déconcerte.
Restons ici …
Restons ici main dans la main, les pieds bien posés sur la terre
l’éternité fait son nid dans nos cœurs, le reste est éphémère
La pierre
J’ai parlé à la pierre avec ma langue d’homme, je l’ai tenue
dans ma main d’homme, une fois ramassée.
J’ai caressé sa joue de pierre comme une peau de squale,
et son fil de couteau, blessé, tailladé de méplats. Je la soupèse
comme on fait d’un melon propice et lourd par temps
de grand soleil aux tentes du marché.
Avant de la rendre à la terre parmi les choses
sans usage, vouées aux bas-côtés du chemin, aux ornières
hors de l’impitoyable zèle qui fait courir les routes.
Cependant signe, chose vivante, sens résolu.
Et mon esprit
sur elle fonde sa joie, songeant, songeant avec ferveur
à sa vocation même croissant parmi le jour
et la joie singulière au plus secret désir
qui anime le cœur et la foi des hommes.
L'ALOUETTE
D'abord elle se faufile, craintive, dans les prés.
Humant l'odeur végétale du vert, le lait acre
Des coquelicots de soie rouge plissée, le bruit
Du vent dans le frémissement des orges.
Puis elle s'envole toute droite, dans l'air limpide,
Comme l'éclair au-dessus du pré, s'enfuit;
Et toutes les couleurs, les sons s'harmonisent
Dans le vent fluide qui la berce jusqu'aux nues,
Et le soleil si froid dans le ciel proche,
L'horizon qui s'appesantit sur ses arches de brumes,
La nuit lointaine et le recel des mares,
Les fermes endormies sous leur chapeau de tuiles.
Elle, droite, exulte au-dessus de l'espace,
Sans perdre son chemin dans le récit
De l'herbe à terre occupée de célestes insectes.
Mais buvant au-dessus de la coupe de cristal bleu
La tremblante eau du jour, chérit d'en haut la terre.
Verres à pied
Le monde marche sur la tête, les verres
sur les tables miment l'erreur, les verres qui attendent,
un pied en l'air, le temps qui tarde, les longueurs,
tandis que la ville au-dehors grommelle
de moteurs trépidants et bat de mots volages ses tapis.
Alors se réfléchit sur le ventre des verres
cette folie d'un monde ridicule, et sans folie,
et toute chose alors est minuscule, et les mots ne sont rien.
Dans le pied de cristal l'air inflexible, la vérité,
sur le ventre du verre une fenêtre fine, le jour
réduit à l'essentiel, un fin rectangle clair, alors
nos mains et nos regards au matin blanc s'inclinent.
Et ils attendent sur les tables d'un vin joyeux la joyeuse mesure,
de l'eau d'une carafe la transparence claire, une main
les conduit jusqu'aux lèvres qu'effleurent
la nostalgie du pur et l'effroi de l'impur.
Et comme les vitraux, traversés de lumière
ils sont ainsi: dix fois, cent fois visités par le jour, cylindre clair
alors je vois non plus des hommes ou des femmes
mais le vol dans la rue mobile, exubérant, d'un vide
meurtri de gloire ancienne en sa propre lumière.
I
Ciel noir, lune blanche -
silence enfin, vaste cour
aux mains les étoiles
II
En nous ta présence
Toi caché dans l'univers
léger vent de branches
Tout simple et digne ici…
Tout simple et digne ici respire et salue l’air
De mai très bleu et gai dans la stabilité nouvelle de ses formes,
Le tremblement des feuilles, les couleurs neuves recréées.