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Critique de navarra


"Qui aime bien châtie bien". Il semble que cette détestable antienne soit élevée au rang de principe éducatif dans l'univers répressif et inique que nous dépeint Raphaël Delpard dans son dernier roman, La cavalcade des enfants rois. Il est certes tout à fait louable que pendant la période de la seconde guerre mondiale, les autorités françaises se soient émues du sort des enfants orphelins ou abandonnés que le conflit armé avait livrés à eux-mêmes ou au vagabondage. Cependant l'adage ne dit-il pas aussi " L'enfer est pavé de bonnes intentions" ? Et rien ne semble effectivement plus vrai à la lecture de la description du centre d'accueil de Chanteloup, pompeusement qualifié de Maison d'Éducation, dans lequel échoue Julien Maugroin, le jeune héros de 12 ans du roman. Privé de toute protection familiale, ballotté par les services de l'Assistance publique puis placé dans une ferme de la Sarthe, les brimades, les coups et la faim le poussent à fuguer. Tout contribue à assimiler cet enfant démuni à de la graine de potence. Arrêté, le petit vagabond capturé devient un « colis » livré au bon plaisir d'une administration rigide et dépourvue d'humanité qui le dépouille de son identité, lui rase la tête, l'affuble d'un numéro et entreprend un sournois travail de dressage destiné à le mater. Ajoutez à cela un sens vertical de la hiérarchie au sein de laquelle gardiens, surveillants, directeur et lampistes contribuent à forger un système carcéral tenant davantage du bagne que du centre d'accueil, et vous n'aurez encore qu'une piètre idée d'une institution qui a pour objectif de réduire l'enfant à un rôle d'éternel mineur, le ramenant sans équivoque au sens premier du vocable latin infans, celui qui ne parle pas. Que reste-t-il alors à ces enfants qui, broyés par un système répressif impitoyable, n'ont justement pas droit à la parole ? L'espoir s'érige alors en contrepied de la violence institutionnalisée en vigueur à cette époque, et en nous révélant l'engagement méconnu de ces enfants, impliqués parfois au péril de leur vie dans des réseaux de résistance, Raphaël Delpard force l'admiration du lecteur et insuffle au texte une puissance revigorante qui met en lumière la foi que l'auteur place en une jeunesse déterminée à être l'actrice de sa destinée. Il faut lire ce livre pour se rappeler qu'il y eut de sombres époques de notre histoire où l'enfant-roi protégé et choyé tel que nous le connaissons actuellement n'a pas toujours bénéficié de la tendresse et de la bienveillance auxquelles son statut d'enfant devrait le destiner.
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