Fleur de cendres

Aucun sort, aussi complexe soit-il, n'avait le pouvoir de résister à Angre, quand la solution se trouvait dans un livre.

Pourquoi les hommes s'entêtaient-ils à voir du désir dans toutes ses marques d'amitié ? Si les flammes l'avaient enlaidie, elles ne l'avaient pas pour autant transformée en satyre, pas davantage qu'elles ne l'avaient changée en dévote.

Il aimait empiler les livres. Cela l’aidait à ne pas se laisser submerger par les émotions, par cette colère qu’il éprouvait envers lui-même.

Elle commença la lecture et les mots l'agrippèrent avec une intensité presque douloureuse. Simples et précis, ils tissaient une toile rugueuse d'émotions brutes, sans artifice. Ces vers doux-amers avaient la beauté mélancolique de la vérité crue. Angre se laissa emporter et, quand elle releva la tête, elle se sentait mieux. Face au vertige de l'existence, ses émotions lui apparaissaient petites, fugaces, futiles. Plus rien ne lui semblait insurmontable, parce que plus rien n'avait autant d'importance que le simple fait d'exister.

Le maquillage, c'est juste une autre sorte de masque. Et celui que j'ai choisi de porter est plus rapide à mettre, voilà tout.

Elle n'avait jamais imaginé que son masque puisse être vu comme un privilège -ou, pire, comme une coquetterie. Pourtant, quelle différence y avait-il entre ces soldates défigurées et elle-même ? Elle se jugeait plus affreuse qu'elles, mais cela n'était là qu'une appréciation personnelle, sans doute subjective.

-C'est une catin ! meugla-t-il. Elle m'a séduit, et maintenant, elle ne veut plus de moi.
-Je crains que ça ne soit pas une raison suffisante pour l'étrangler.

-Vous n'imaginez pas à quel point il m'en coûte de réfréner ma curiosité. Si je cède à la tentation, vous serez le seul à pouvoir me protéger de moi-même, Hetor.
Il eut un rire étranglé.
-Nous sommes en grand danger, alors.

Ce ne sont pas nos traits qui font de nous des personnes, Angre.